Dans le train pour Nantes où je vais passer le week-end chez mes parents, je viens de finir La chambre de Giovanni, de James Baldwin, avec le même plaisir que j'avais eu à le découvrir en v.o. il y a une dizaine d'années quand j'étais étudiant en fac d'anglais et que j'avais la prétention de ne lire les auteurs anglophones qu'en anglais. Enfin une traduction qui ne se voit pas, où on n'entend pas la construction anglaise derrière la phrase française.
Bercé par le ronflement de mon voisin, qui est aussi régulier que le ronronnement de mon chat (qui va passer le week-end tout seul à la maison, pauvre Marie-Charlotte!), j'ai revécu avec plaisir cette liaison entre un étranger à Paris, David, et son amant, Giovanni, une relation qui n'ose pas dire son nom, qui n'est pas acceptée par l'étranger et qui est donc vouée à l'échec.
Etre amoureux et vivre une vie qu'on a du mal à accepter ou faire comme tout le monde et épouser une femme? Le livre date de 1956. Pourtant la question reste malheureusement toujours d'actualité. Je dis malheureusement, parce que je fais partie de ces gens qui pensent qu'on devrait avoir le droit de vivre comme on veut. Et aujourd'hui, tout le monde n'a pas cette possibilité, même dans notre beau pays civilisé où deux hommes peuvent signer un pacs (soit dit en passant, cela reste une pratique discriminatoire, personne ne les autorise à se marier...).
La rencontre des deux hommes se termine dans la déchéance et la mort, comme si c'était la fin inévitable de ce genre de relation. Après la rencontre et l'exaltation, la vie commune et l'habitude, l'américain part pour retrouver sa maîtresse-alibi, avec qui il décide de se marrier, d'oublier Giovanni. Pendant ce temps le superbe italien délaissé se laisse dépérir, la fleur se fâne et finit par être acculée à la prostitution pour survivre, et le tout s'achève sur un drame, Giovanni tue et est condamné à mort. L'américain ne se fait pas à sa nouvelle vie hétéronormée, il boit de plus en plus, passe des nuits d'errance et de débauche dans des bars louches où il finit par se faire retrouver par sa future femme, fin de l'histoire.
"Il y a une différence entre les petits garçons et les petites filles, comme ils disent dans les livres. Les petites filles veulent les petits garçons. Mais les petits garçons...! Je ne saurais plus jamais, de ma vie, ce que veulent les petits garçons. Et maintenant je sais qu'ils ne me le diront jamais. Je ne crois pas qu'ils sachent comment le dire." Ainsi s'exprime la maîtresse-alibi-failli future épouse, complètement désemparée, et cette phrase m'a touchée par sa simplicité naïve qui dit pourtant tant de choses. Lisez (ou relisez) ce livre, vous passerez de toute façon un moment agréable.
L'amour à mort? Un chant d'espoir? Une condamnation d'un amour voué à sa perte? Il y a moulte façons d'envisager cette histoire, mais c'est bien mieux écrit que les bêtises distractives que certaines maisons d'édition ciblant une clientèle homosexuelle nous propose aujourd'hui, alors vous n'avez aucune raison d'hésiter. Un indice? Lisez une biographie de James Baldwin...
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