Daniel, Roberta, Monique. Trois vies râtées. Trois destins râtés. Roberta a aimé un homme. Un jour. Il y a longtemps. Lui ne l'a pas aimé longtemps. L'a jetée dehors, avec son bébé dans les bras. Elle n'a aimé personne d'autre Roberta. Elle a refait sa vie. Avec Daniel. Mais elle ne l'a jamais aimé Daniel. Même si elle a eu trois autres enfants avec lui. Mais on ne peut pas vivre seul. Même si au fond de soi on est seul. Alors Roberta est seule. Avec Daniel. Et ses trois enfants. Elle fait les courses, le ménage, elle élève les enfants. Daniel sait que Roberta ne l'a jamais aimé. Daniel sait que Roberta pense toujours à l'autre. Mais Daniel supporte. Tout. Il est mou Daniel. Il est vide. Il n'a pas de rêve. Il n'en a jamais eus. Il ne parle plus Daniel. Il n'en a plus la force. Alors quand sa femme Roberta le jette parce qu'elle en peut plus de le voir assis sur la même chaise à ne rien faire et à ne rien dire, Daniel va boire au bistrot. Et Roberta reste avec sa soeur Monique. Elles parlent de leurs vies râtées. En buvant.
Ce livre est une tranche de vie dans une famille de gens perdus qui ne savent plus où ils vont. Mon amour. Ils nous parlent de leurs amours, ou de leur amour, de ce qu'ils pensent de l'amour, si ça existe vraiment, ou si c'est juste une chimère, une denrée hors de portée, du rêve. Ils nous parlent de leurs vies amoureuses, de leurs vies amoureuses râtées, de cet amour unique perdu ou qu'ils n'atteindront jamais. Il y a Daniel et Roberta, et sa soeur Monique venue lui faire la conversation dans sa petite cuisine où ils boivent sur la nappe cirée en fumant leur ennui et leur désespoir. Et il y a la génération suivante. Kévin, le fruit du premier amour de Roberta, qui est homo et se fait enculer par des hommes de passage dans des caves. Il ya les jumeaux Fred et Sandrine, et le petit dernier Jeremy, encore à l'école. Ca pue la misère, l'absence de bonheur. Mais les images sont d'une acuité magnifique, d'une véracité poignante, le discours est vif, hâché, entraînant, comme une course poursuite vers l'inéluctable fin.
Un petit reproche cependant. Je n'ai pas aimé du tout le sens de la ponctuation de l'auteur, sa volonté d'accélérer le discours en supprimant les points, comme pour éviter les pauses. C'est un roman qui se lit vite, parce que vous n'avez pas le choix, parce que son rythme est rapide, et parce qu'il n'y a pas d'endroit prévu pour que vous vous arrêtiez. Il n'y a pas de chapître, juste une longue suite de monologues ou la page ne s'éclaircit d'une ligne que pour changer de personnage narratif. Alors qu'attendez-vous pour foncer?
Mon amour, d'Emmanuel Adely, aux éditions Joëlle Losfeld
j'ai beaucoup aimé cet ouvrage, je ne l'ai pas encore fini, mais les quelques passages que j'ai découvert m'ont plu, par leur coté brusque te poignant. Les eleves du conservatoire de bordeaux le mettent en scene, c'est génial.
Rédigé par : flo | 12/02/2007 à 09:26