"Quand je suis sorti il pleuvait à verse. J'ai marché en automate jusqu'à la station Pigalle, en essayant tant bien que mal d'éviter les énormes flaques et les torrents furieux qui se déversaient le long des trottoirs, et je suis descendu dans la station de métro. J'ai passé mon ticket de métro et me suis dirigé vers le quai de la ligne 12 direction Porte de la chapelle. Le métro était à quai, mais je n'avais aucune envie de me presser. Je me sentais un peu déphasé, ailleurs, j'ai attendu le métro suivant.
Quand il est arrivé je suis monté tranquillement dedans. Il est parti et machinalement j'ai remarqué que la couleur sur les panneaux indicatifs des stations n'était pas la bonne, j'étais sur la ligne bleue, la ligne 2, pas sur la ligne verte. Effectivement on arrivait à le station Anvers. Tant pis me suis-je dit, je changerais à Barbès et je prendrais la 4.
A Barbès je suis donc descendu, j'ai emprunté le chemin pour la correspondance, j'ai descendu les escaliers, j'ai passé une porte, et je me suis retrouvé dehors au milieu des vendeurs de cigarettes. Totalement dans les vapes le Patrick ce soir! J'ai repassé le portillon pour redescendre dans le métro prendre la ligne 4.
Il pleuvait toujours quand je suis arrivé à la maison, toujours un peu en mode automatique. J'ai posé mes affaires, je me suis essuyé les cheveux avec une serviette, j'ai attrapé un parapluie et je suis resorti. Il fallait que j'achète des croquettes pour Marie-Charlotte!
Dans le magasin je tournais en rond avec mon panier à plastique à la main. J'étais devant le rayon croquettes et je ne voyais pas les croquettes que je prenais habituellement. Je repensais à ce que j'avais dit, j'avais des images qui passaient devant mes yeux, des souvenirs que je pensais à jamais enfouis. J'étais jeune à l'époque, un enfant, je n'allais pas encore à l'école..."
Ca, c'est ce que j'écrivais il y a exactement un an. Je sortais d'une séance avec ma psy, séance où j'avais craqué et où j'avais dit pour la première fois de ma vie que je pensais avoir été violé quand j'étais un petit enfant. C'est une chose dont je n'avais jamais parlé avant, que je pensais même avoir réussi à oublier.
Cette séance et cet aveu ont été le tournant décisif de ma psychothérapie. C'est à partir de ce moment que j'ai commencé à remonter la pente, que plein de petites choses qui me bloquaient à l'intérieur ont commencé peu à peu à se débloquer.
J'en voulais à mes parents de ne pas avoir su me protéger quand j'étais enfant, de ne pas avoir su me comprendre quand je me suis refermé sur moi. Je ne pensais pas qu'il soit possible qu'ils ne sachent pas ce qui s'était passé. Nous en avons parlé depuis, même si ça n'a pas été facile, et j'ai eu des explications, et j'ai compris que pour eux non plus ça n'avait pas été évident à gérer. Dans les années 1970 à Abidjan les psychiatres pour enfants ce n'était pas non plus très courant. Depuis j'ai réussi à pardonner à mes parents, et nos rapports s'en sont beaucoup améliorés.
Il n'y a pas que mes rapports avec mes parents qui se sont améliorés. En fait mes rapports avec tout le monde se sont améliorés. Avant quand quelqu'un se montrait sympathique et chaleureux envers moi, aussitôt je me braquais, comme si j'avais peur de quelque chose, je ne laissais les gens m'apprivoiser qu'avec beaucoup de méfiance. Maintenant je crois être devenu un peu moins sur la défensive, un peu plus social (même si j'ai encore un peu de mal avec les gens tactiles qui vous mettent la main sur l'épaule quand ils vous parlent).
D'ailleurs tout s'est amélioré dans ma vie depuis cet aveu. N'est-ce pas hallucinant que quelque chose qui se soit passé dans ma petite enfance puisse à ce point avoir pourri ma vie pendant une trentaine d'années pour s'évanouir juste parce qu'on a réussi à en parler, à mettre des mots sur des sensations, des angoisses, des peurs diffuses?
Effectivement, en parler n'a pu que te changer de façon positive, qu'il s'agisse de ta propre image ou de celle que tu peux avoir des autres.
Et tu contunues à progresser : tu en as parlé il y a juste un an à ton psy et tu en parles maintenant sur ton blog.
Un an pile, c'est surprenant. Cette date est elle particulière pour toi?
Ce qui me semble important, c'est de mesurer le chemin que tu as parcouru.
Tu es sur le bon chemin. Bravo!
Et je pense que lorsqu'on a pris la bonne route comme ça, on ne peut revenir en arrière et le vie va alors de mieux en mieux
Rédigé par : olivier | 23/11/2007 à 17:31
>Olivier. Non, la date n'est pas particulière. C'est juste que de temps en temps je regarde dans mes carnets intimes et autres écrits où j'en étais il y a un an (j'aime bien me souvenir du temps qui passe et voir comme j'évolue), et là je suis tombé sur cette séance avec ma psy.
Rédigé par : Patrick | 24/11/2007 à 23:55