De quoi vais-je vous parler, êtes-vous en train de vous dire, des histoires de hérissons élégants? Non, rassurez-vous, c'est juste le titre du dernier roman de Muriel Barbery. Et ça ne parle absolument pas de hérisson!
Pourquoi ce titre alors? La réponse se trouve page 153: "Mme Michel, elle a l'élégance du hérisson: à l'extérieur, elle est bardée de piquants, une vraie forteresse, mais j'ai l'intuition qu'à l'intérieur, elle est aussi simplement raffinée que les hérissons, qui sont de petites bêtes faussement indolentes, farouchement solitaires et terriblement élégantes." En fait le roman raconte l'histoire de Mme Michel, une concierge, mais avouez que donner pour titre La concierge à un bouquin c'est beaucoup moins vendeur qu'un truc aussi abscons que L'élégance du hérisson.
Notez au passage que cette citation est écrite dans le roman par une petite fille de douze ans. Le choix du vocabulaire vous semble t-il en rapport avec l'âge de la fille? Moi je ne trouve pas, mais cette jeune fille nous est présentée comme une enfant exceptionnelle. Alors pourquoi pas?
Le problème voyez-vous (enfin selon moi) c'est que tout le livre est aussi peu crédible, que le choix du vocabulaire est toujours un peu prétentieux et très irréaliste, que tous les personnages sont des caricatures et qu'il absolument impossible un instant de prendre cette histoire autrement que pour une parabole.
Soit! Sous cette optique on peut apprécier le roman et je dois avouer que j'ai beaucoup ri sur certains passages complètement loufoques du fait de leur inéquation à la réalité.
Par exemple je trouve ça à mourir de rire quand la même jeune fille de douze ans écrit "Nos deux chats sont de grosses outres à croquettes de luxe qui n'ont aucune interaction intéressante avec les personnes. Ils se traînent d'un canapé à l'autre en laissant des poils partout et personne ne semble avoir compris qu'ils n'ont pas la moindre affection pour quiconque. Le seul intérêt des chats, c'est qu'ils constituent des objets décoratifs mouvants, un concept que je trouve intellectuellement intéressant, mais les nôtres ont le ventre qui pend trop pour que ça s'applique à eux.
Ma mère (...) démontre chaque jour à quel point l'instruction est une escroquerie fumante. Il suffit de la regarder avec les chats. Elle est vaguement consciente de leur potentiel décoratif mais elle s'obstine pourtant à leur parler comme à des grandes personnes, ce qui ne lui viendrait pas à l'esprit avec une lampe ou une statuette étrusque. (...) Ma mère n'est plus une enfant mais elle n'arrive apparemment pas à considérer que Constitution et Parlement n'ont pas plus d'entendement que l'aspirateur..."
Il ya de nombreux passages comme celui-ci qui m'ont beaucoup amusé dans la première partie du roman.
Mais le problème c'est qu'après une cent-cinquantaine de pages la parabole qu'on trouvait amusante jusqu'à présent s'enlise en voulant devenir plus réelle, et on tombe dans le roman à l'eau de rose pédant où notre concierge qui se pense tellement différente de toutes les concierges du monde parce qu'elle prend son pied à regarder d'obscurs films japonais en buvant du thé de chine pendant que les gens de l'immeuble pensent qu'elle regarde des sitcoms idiotes à la télé, notre concierge exceptionnelle tombe amoureuse d'un homme qui n'est pas de sa condition sociale et dont le raffinement extrême (pensez-vous, il est japonais, parle un français châtié sans accent, et cite du Tolstoï dès leur première rencontre!) l'émeut.
Je n'ai tout simplement pas aimé cette seconde partie, qui gâche tout le plaisir que j'avais pu éprouvé en lisant la première partie du roman.
Quant à la fin, je l'ai trouvé tout bonnement absurde. On a l'impression que l'auteur avait atteint le nombre de mots qu'il fallait qu'il écrive pour faire un roman standard, et qu'il a abrégé pour conclure en vitesse.
Au final je suis bien embêté pour vous dire si j'ai aimé ce roman ou pas. J'ai beaucoup aimé la première partie, j'ai détesté la deuxième, j'ai trouvé la fin bâclée, et j'ai trouvé (en plus) qu'il y avait de nombreuses digressions tout au cours du roman qui n'avaient aucun rapport avec l'histoire et aucune utilité autre qu'étaler une culture superflue dans cette occurrence.
Et je pourrais aussi vous faire tout un chapitre sur le lexique pédant de l'auteur, mais je ne voudrais pas non plus vous détourner complètement de l'envie de lire ce roman. Je vous recopie les premières lignes du roman, à vous de voir si vous avez envie de lire la suite.
"Marx change totalement ma vision du monde, m'a déclaré ce matin le petit Pallières qui ne m'adresse jamais la parole.
Antoine Pallières, héritier prospère d'une vieille dynastie industrielle, est le fils d'un de mes huit employeurs. Dernière éructation de la grande bourgeoisie d'affaires -laquelle ne se reproduit que par hoquets propres et sans vices-, il rayonnait pourtant de sa découverte et me la narrait par réflexe, sans même songer que je puisse y entendre quelque chose. Que peuvent comprendre les masses laborieuses à l'oeuvre de Marx? La lecture en est ardue, la langue soutenue, la prose subtile, la thèse complexe.
(...) Pour comprendre Marx et comprendre pourquoi il a tort, il faut lire l' Idéologie allemande. C'est le socle anthropologique à partir duquel se bâtiront toutes les exhortations à un monde nouveau et sur lequel est vissée une certitude maîtresse: les hommes, qui se perdent de désirer, feraient bien de s'en tenir à leurs besoins. Dans un monde où l'hubris du désir sera muselée pourra naître une organisation sociale neuve, lavée des luttes, des oppressions et des hiérarchies délètères."
Bonne lecture!
Je n'ai pas du tout aimé le hérisson : ni la 1ère ni la 2ème partie. Mon sentiment est que l'auteur a voulu nous en mettre plein la vue et nous épater par sa soi-disant culture, en d'autres termes, lire des livres pour dire "j'ai lu !" (système prépa).
Rédigé par : oeil de lynx | 07/03/2008 à 16:46