Il y a quelques temps le rédacteur du blog Les Toiles Roses m'a proposé de faire partie d'un jeu littéraire constituant à créer un texte commençant par "si j'étais hétérosexuel" (ou "si j'étais homosexuel" pour les hétéros). Je me suis évidemment plié au jeu avec plaisir (je suis un grand joueur) et le résultat est là.
Mais comme je sais que vous êtes parfois très paresseux, je vous l'écris également ci-dessous. Mais que ça ne vous empêche pas d'aller faire un tour sur le blog Les Toiles Roses (en même temps il est dans ma liste de liens dans la colonne de gauche depuis très longtemps, donc vous le connaissez forcément déjà. Non?)
Elle est pas chouette ma life?
Si j'étais hétérosexuel, ma vie serait complètement différente, je ne serais pas celui que je suis, tant il est évident que ma sexualité a joué un rôle primordial dans la construction ou la déconstruction de celui que je suis devenu. Non pas qu'on ne puisse pas être moi en étant hétérosexuel, mais probablement avec un processus de maturation différent. Aussi m'est-il assez difficile d'imaginer ce que je serais si j'étais hétérosexuel, ce que je ferais, ce que je penserais.
Je suis né homosexuel. Je ne le suis pas devenu, ce n'est pas quelque chose que j'ai choisi. D'autant que je me souvienne, j'ai toujours été plus sensible à la gent masculine. J'étais un enfant solitaire, différent. J'ai très longtemps pensé que mes parents ne m'aimaient pas, que je n'avais pas été un enfant désiré, mais un accent de parcours qu'il avait fallu mener à terme. Je me suis construit avec l'acceptation du rejet, avec l'acceptation d'une différence. Est-ce que pour être hétérosexuel il aurait fallu que mes parents m'aiment de façon plus démonstrative?
Si j'avais été hétérosexuel, je n'aurais pas été associal, j'aurais joué avec mes copains aux gendarmes et aux voleurs, ou aux cowboys et aux indiens. J'aurais joué au foot, j'aurais été populaire, j'aurais eu des amis. Je n'aurais certainement pas sauté une classe pour prouver que j'étais plus intelligent que les autres, que je valais mieux. Je me serais contenté de rester au milieu du troupeau.
Si je suis ce que je suis, c'est que j'ai toujours pensé qu'il fallait que je prouve ce que j'étais, parce que je ne me contentais pas de seulement être. Si j'avais été hétérosexuel, je me serais contenté d'être. On n'a rien à prouver quand on est déjà comme tout le monde.
Si j'étais hétérosexuel, je serais ingénieur en aéronautique aujourd'hui, comme mon père et mes frères. Je n'aurais pas tout envoyé balader après mon bac scientifique pour échapper à un avenir tout tracé et m'épanouir en faisant des choses que j'aimais vraiment. Je serais ingénieur en aéronautique, et aux repas dominicaux je parlerais avions, mécanique, voitures, informatique, téléphonie portable, je commenterais les dernières prouesses technologiques.
Je serais marié, évidemment. Et j'aurais des enfants. Parce qu'inmanquablement ça finit toujours par arriver les enfants. C'est une façon de rester dans le moule. C'est une façon de ne pas s'ennuyer à deux tous les soirs.
Je n'habiterais pas à Paris, parce que j'ai été élevé dans l'idée que les enfants ça s'élève dans une maison avec jardin. C'est comme les chiens, il leur faut de l'espace pour s'amuser. D'ailleurs nous aurions aussi un chien et un chat, ça fait partie du lot. Et puis pourquoi habiter à Paris si on ne va pas aux musées ou aux spectacles et qu'on passe ses soirées devant la télé? Parce que oui, moi qui ne possède pas de télé, nous en aurions une. Forcèment. On ne peut pas vivre enfermé dans une maison à deux sans avoir une télé.
Je ne courirais pas non plus. Exunt les 10km et les semi-marathons. Parce que ma femme n'aurait pas apprécié que trois fois par semaine j'enfile un short pour aller courir dans les bois. Il faut s'investir dans une vie de famille. J'aurais juste eu droit au club de foot, parce que ça fait partie du minimum sportif qu'aucune femme ne peut interdire à un homme. J'aurais eu droit au foot, aux matchs à la télé, et aux soirées bière-pizza avec mes amis footeux.
En résumé, si j'étais hétérosexuel je serais marié et père de deux enfants, j'habiterais une maison dans une ville de province, je prendrais ma voiture tous les matins pour aller travailler, les week-ends avec les enfants nous irions voir les parents / beaux-parents, et ma vie serait d'un ennui tranquille. Mes seuls tracas à l'aube de mes quarante ans seraient l'éducation de mes enfants adolescents et mon ventre de plus en plus gras à force de compenser mon ennui par la bouffe et les bons vins.
Finalement je la trouve bien ma petite vie ratée d'homo célibataire-pauvre-parigot...
C'est sûr à te lire, ça vaut mieux d'être PD qu'hétéro, c'est que je me dis aussi tous les jours,même si je suis avec mon mec depuis 18 ans.Tous les matins je savoure la liberté dont nous disposons, le privilège du temps libre et la possibilité de profiter de l'autre sans devoir le partager avec les enfants.Mais ce que tu ne dis pas - puisque tu es célibataire - c'est le nécessaire travail pour entretenir le couple, sans le dérivatif de l'éducation des gosses, et c'est là où c'est peut-être plus dur que chez les hétéros. En tout cas leur fonctionnement ne me fait pas envie, jamais je n'ai regretté d'être ce que je suis. Et toi ??
Rédigé par : Arnaud | 29/10/2008 à 15:24
Très beau texte, touchant et sans faux-semblants. Je passe pas souvent, mais comme à chaque fois, je suis content de m'être déplacé :)
Rédigé par : Juju | 29/10/2008 à 17:24
>Arnaud. Juste pour préciser un truc: cette vision de l'hétérosexualité est celle de ce que je pense que j'aurais été, vu le contexte de ma vie, mais absolument pas une vision générale de ce que je pense être la vie hétérosexuelle. Il est évident que certains hétéro n'ont pas d'enfant, ni chien ni chat, vivent très bien ensemble sans s'ennuyer, etc etc. Et a contrario il y aussi des homo qui vivent en couple avec des enfants et un chien et un chat!
Des regrets d'être ce que je suis? A quoi bon? Je n'ai pas choisi, et on ne peut pas vivre heureux si on ne s'accepte pas...
Rédigé par : Patrick | 29/10/2008 à 20:22
alors à l'aube de la quarantaine, il ne me reste qu'à te souhaiter d'être pleinement heureux dans ta vie de PD qui s'assume et c'est très bien comme ça. Franchement, ce que tu aurais pu devenir, ça fait peur !
Rédigé par : arnaud | 29/10/2008 à 20:56
Bel exercice, révélateur, plus de qui tu es que de l'hétérosexualité. C'est un peu se définir par la négative...
Rédigé par : Pierre-Yves | 29/10/2008 à 23:55
Malgré ta précision sur le fait qu'il ne s'agit pas d'une vision générale de l'hétérosexualité, la façon dont tu as écrit ton texte en est une critique, une grossière caricature péremptoire.
Est-ce plus l'expression d'un sentiment profond ou une simple maladresse littéraire ?
Rédigé par : kenneddy | 30/10/2008 à 01:47
C'est à dire, si tu avais été hétéro tu t'ennuierais comme s'ennuient tous ces cons qui vivent en faisant des projets et à la recherche de la sécurité, alors que grâce à ton homosexualité ta vie est riche est sans formatage. Bref tu es un homme libre.
Rédigé par : Sylvain | 30/10/2008 à 01:49
Ah oui, les enfants ! C'est fou (Pour ne pas dire "fol" :-/) comme parfois on oublie ce type de choses.
Je le note : ENFANT(S).
Rédigé par : Wilfried | 30/10/2008 à 12:46
Si j'étais homosexuel...
[ WARNING ! Ce texte insiste sur l'aspect *sexuel*... Il est donc parfaitement réducteur ! ]
J'embrasserais certainement moins de garçons.
Je prendrais moins de godes dans le cul, mais peut-être bien plus de bites.
Je prendrais aussi des mains plutôt que des doigts.
Je continuerais à me faire traiter de "PD"... Mais peut-être me permettrais-je alors d'utiliser le mot "stigmatisé" ?
Etc.
Bref...
[ Remarque LGBTIQQxyz ] Dites donc, ce n'est pas un peu *binaire* comme exercice littéraire ? Et si je n'étais ni hétérosexuel, ni homosexuel, mais un truc entre les deux qui ne cherche pas forcément à être défini ?
Rédigé par : Wilfried | 30/10/2008 à 12:57
>kennedy. Je n'ai pas écrit une critique de l'hétérosexualité, juste une vision de l'hétérosexuel que j'aurais été. Merci de ne pas tout mélanger et de ne pas me faire dire des choses que je n'ai pas dites. Je n'ai absolument rien contre les hétérosexuels ou leur supposé mode de vie.
>Wilfried. Binaire? probablement. mais la vie fonctionne un peu beaucoup sur le mode binaire (on est / on n'est pas). On peut ne pas aimer les bonbons à la fraise un jour et s'en goinfrer le lendemain. Ce n'est qu'un jeu!
Rédigé par : Patrick | 30/10/2008 à 14:32
"Ce n'est qu'un jeu!"
Qu'y a-t-il de plus sérieux que le jeu ? Sérieusement ;).
Rédigé par : Wilfried | 30/10/2008 à 15:03
>Wilfried. La vie ne serait qu'un jeu alors? Chut, il ne faut pas le dire!
Rédigé par : Patrick | 30/10/2008 à 15:09
Ce n'est pas ce que j'ai dit.
Merci de relire mon commentaire précédant, où chaque mot compte.
Rédigé par : kenneddy | 31/10/2008 à 17:36
>Kennedy. Je relis ton commentaire précédent: "Malgré ta précision sur le fait qu'il ne s'agit pas d'une vision générale de l'hétérosexualité, la façon dont tu as écrit ton texte en est une critique". Je réponds juste que mon texte n'est pas "une critique d'une vision générale de l'hétérosexualité". Point.
Rédigé par : Patrick | 01/11/2008 à 12:29