En visitant le centre historique du village, mon regard a croisé par inadvertance le regard d'un jeune homme brun au téléphone assis sur sa moto. J'ai rougi. Il a vu, et s'est passé la main sur l'entrejambe. Bien sûr j'ai fait comme si je n'avais pas vu, c'est quelque chose que je sais très bien faire, et j'ai continué mon chemin. Mon lecteur habituel sait que je ne chasse jamais en terre étrangère. A quoi bon, ce n'est pas ainsi que je vais me trouver un mari.
Oui, il y a une constante dans ma vie sexuelle, même si elle peut paraître un peu débridée à certains. Je ne fais l'amour qu'avec des gens dont je suis susceptible de tomber amoureux, des gens que je suis susceptible de revoir. Donc je ne drague pas quand je ne suis pas à Paris, et j'évite dans la mesure du possible les hommes qui ne sont pas célibataires.
Ce petit épisode à Cefalù m'a rappelé un épisode napolitain, quand j'avais visité Naples il y a trois ans. Je marchais sur un boulevard de la ville, à cette heure où les napolitains commencent à rentrer chez eux pour le déjeuner et où le soleil est au zénith. A un moment je me fis dépasser par un homme qu'il me semblait avoir déjà vu devant moi précédemment. Puis je remarquais que ce jeune homme ralentissait, et me jetait des coups d'oeil de temps en temps. Au feu suivant, à l'arrêt pendant que les voitures passaient, il était à côté de moi. Mais il ne me regardait pas, regardait droit devant lui. Je pensais m'être fait un film, mais je remarquais en traversant la rue qu'il me regardait à nouveau. Encore un qui ne sait pas ce qu'il veut? Il y avait une petite placette un peu plus loin, et je m'y suis arrêté pour consulter mon plan de la ville, guettant de l'oeil sa réaction. Il est passé dans un sens. Puis dans l'autre. Il a hésité, à distance. Finalement il est parti.
Alors je me suis levé et j'ai été tranquillement visiter le musée d'histoire de Naples et ses superbes sculptures. En sortant du musée, une ou deux heures plus tard, je me suis assis sur une place à l'ombre d'un parasol pour déguster un granit au citron. Puis j'ai redescendu le boulevard, et, vous ne le croiriez pas, je revois le jeune homme de tout à l'heure, qui devait avoir fini sa pose déjeuner. A un moment nous marchons côte à côte, et je lui parle. Il me propose de monter sur sa moto et d'aller chez lui. Evidemment je réponds non. Mais le monsieur a l'air d'avoir vraiment très envie, tout en étant curieusement distant. Finalement à un croisement il me propose d'aller dans une boutique dont il remonte le volet roulant, de me faire passer pour un client, de choisir un truc et d'aller l'essayer dans une cabine où il pourait venir me sucer. Je me suis dit "qu'est-ce que c'est que ce cirque?", je suis rentré dans la boutique, j'ai regardé vaguement les vêtements, et je suis sorti sans rien essayer.
Ce n'est qu'après que j'ai réalisé que Naples n'est pas une ville spécialement réputée pour son côté "on aime les pédés", et que peut-être le jeune homme faisait semblant d'être hétérosexuel dans sa vie de tous les jours, et irait probablement jusqu'à se marier dans quelques années. D'où ce mélange d'envie et de distanciation que je trouvais insolite. Ca ne doit pas être évident d'être homosexuel dans un pays homophobe, et ce jeune homme sur sa moto m'a fait pensé à ça ce matin dans les vieilles rues de Cefalù. La Sicile non plus n'a pas la réputation d'aimer particulièrement les homos (et je suis fermement décidé à ignorer tout ce qui pourait passer pour des avances, je veux rentrer chez moi entier et pas dans un cercueil).