Aujourd'hui il m'est arrivé quelque chose qui m'est arrivé très peu souvent dans ma vie. Aujourd'hui j'ai passé un long moment au milieu de gens qui ont la même couleur de peau que moi. Je crois que c'est la première fois que ça m'arrive. Bien sûr pour la plupart d'entre vous vous ne pouvez pas imaginer ce que j'ai ressenti, parce que pour vous c'est quelque chose de banal. Pour moi ce fut un moment unique. Je me suis souvent trouvé dans des endroits où il n'y avait que des blancs, je n'étais chromatiquement pas à ma place. Je me suis souvent trouvé dans des endroits où il n'y avait que des noirs, je n'étais chromatiquement pas à ma place. Je ne m'étais jamais trouvé dans des endroits où il n'y avait que des gens couleur chocolat-café au lait-caramel, là j'étais chromatiquement à ma place. Mais la supercherie n'était que d'apparence. Parce que je ne suis pas antillais, ni guadeloupéen, ni guyannais, et il suffit d'ouvrir la bouche et de me parler en créole pour me démasquer. Mais un instant fugace j'ai eu l'impression d'être au milieu de gens comme moi, et ce fut une émotion très forte. A vrai dire j'en ai même eu la larme à l'oeil.
Cet après-midi je suis allé à une manifestation de soutien pour les antilles françaises qui sont en grève depuis plus d'un mois. Je ne m'attendais pas à trouver beaucoup de monde à cette manifestation, en ayant très peu entendu parlé avant. Quelle ne fut pas ma surprise en arrivant à la place de la République devant la marée humaine rassemblée! 10 000 personnes selon la police, 15 000 selon les organisateurs, quel que soit le nombre retenu ça fait tout de même beaucoup de monde, plus que ce que j'aurais pu imaginer. Et croyez moi, me retrouver au milieu de 15 000 personnes de la même couleur que moi, ça m'a fait quelque chose.
Et j'ai été très sensible aux revendications de ces gens, qui ne demandent pas autre chose que du respect et de l'égalité, des choses qui devraient aller de soi. "Ici c'est la France, là bas c'est la souffrance" disait une affiche. "Sommes-nous des citoyens à part entière ou des citoyens à part?" demandait une autre. Une troisième disait "elle est chère la vie sous les cocotiers" et d'autres se contentaient d'afficher le prix d'un article en France métropolitaine et son prix aux antilles. Constat que personne ne réfute: la vie est au moins deux fois plus chère aux antilles. Est-ce normal? Doit-on le supporter? Le smic lui est le même ici et là-bas, le salaire de l'employé aussi. Par contre le métropolitain expatrié ou le fonctionnaire déplacé a une prime de vie chère. Et ça fait des années que ça dure. N'importe quel être sensé dirait que ça ne peut pas durer éternellement (et je m'étonne d'ailleurs que ça ait duré si longtemps!).
Surtout, les gens sont choqués par le silence du gouvernement. On entendait des phrases du genre "un chien mord un enfant et aussitôt Sarko et MAM se déplacent, le lendemain on a une loi sur les chiens dangereux; en Guadeloupe 100 000 personnes descendent dans la rue, il ne se passe rien". Ces gens veulent qu'on les traite à égalité, rappellent qu'ils sont français, qu'ils ont droit à un minimum de respect. L'histoire du chien n'est pas anodine; il y a aussi eu des injures raciales, du genre "sale chien!" qui auraient été proférées par les forces de l'ordre venues ramener la paix dans le pays. Ca n'a pas été apprécié du tout. "La Guadeloupe c'est à nous! la Martinique c'est à nous!" pouvait-on aussi entendre de la part de ces gens dont les terres ont été des terres d'esclavage puis des colonies avant d'être des départements, des terres qui n'ont jamais été les leur, qui ont toujours été spoliées par l'étranger.
Encore un slogan: "Il est ou Sarko? Il est à Bagdad! Il fait quoi Sarko? Il fuit la Guadeloupe! Il est où Sarko? Il est au Koweit! Il fait quoi Sarko? Il fuit la Martinique! Il est où Fillon? Il est à Orly! Il fait quoi Fillon? Il rapatrie Jego! Il est où Jego? Il est à l'aéroport! Il fait quoi Jego? Il fuit!" Oui, la façon d'appréhender la situation par le gouvernement n'a vraiment pas été appréciée, et je le comprends.
J'ai été très content de voir que tous ces gens étaient mobilisés (enfin!). Par contre j'ai été un peu déçu que leurs revendications soient si sobres, si "politiquement correctes". Le véritable problème à mes yeux, ce n'est pas que celui de la vie chère, c'est celui de la spoliation des terres et des richesses. Et c'est aussi le fait que, même quand on vit à quelques kilomètres d'une puissance mondiale dont le président est un noir, on reste un citoyen de seconde zone du fait simplement de sa couleur. La réalité elle est là: aujourd'hui en France, soit disant pays des droits de l'homme et qui prétend à l'égalité et la fraternité, un homme noir est un homme inférieur du simple fait de sa couleur. Le problème des antilles, ce n'est pas que le problème des antilles, c'est aussi le problème de toutes les minorités visibles, et ce problème des antilles s'il n'est pas pris au sérieux peut très vite embraser à nouveau nos banlieues défavorisées.
Tu devrais aller au Brésil ce pays est le plus coloré du monde. Dans la politique de promotion des défavorisés 7 catégories de couleur de peau sont répertoriées pour prendre en compte ces mélanges d'Indiens, d'Africains, D'Européens et d'Asiatiques qui ont fait ce pays :-)
Rédigé par : lo grelh | 22/02/2009 à 09:52
Le mal est plus profonds, depuis 50a aucun pouvoir en place n'a fait ce qu'il fallait pour que ce peuple soit autonome.
La seule porte sortie est une indépendance contrôlée comme en Polynésie française.
Nul gouvernement pourra satisfaire leurs revendications qui sont légitimes.
Rédigé par : Cp | 22/02/2009 à 15:39
Etre autour de gens qui nous ressemble (j’aurais pu écrire aussi rassemble…) est un moment de bonheur quand tu fais partie d’une minorité. Cela n’empêche pas les désaccords avec ces personnes mais quand il s’agit de pigmentation, de sexualité et même de classe sociale cela permet un accès plus direct à la discussion car le filtre de l’apparence au sens large du terme est annihilé.
Alors oui c’est agréable. Est-ce que c’est préférable de n’être qu’avec des gens qui se ressemblent, non je ne crois pas. C’est pourquoi je pense qu’il est de mon devoir de veiller et d’être attentif à ce que mes filtres ne prennent pas le pas sur ce que les autres sont et m’empêche de les regarder pour ce qu’ils sont.
C’est beau hein ! Mais c’est pourtant ce que je pense et c’est vraiment un combat envers moi même de rester attentif et je n’arrive pas toujours à le gagner……
En ce qui concerne la Guadeloupe ou la Martinique je répondrais par une citation... Combien de voix?
Rédigé par : Pierre | 25/02/2009 à 15:16