C'était la fin du samedi après-midi, dans un quartier très animé, le 18ème populaire, au croisement des boulevards Ordener et Ornano, un carrefour toujours surchargé.
Sur le bord du trottoir un homme manifestement ivre essayait difficilement de trouver son équilibre pour ne pas tomber. Il se tenait cramponné à un poteau. Puis le feu passa au rouge, au vert pour les piétons. Il se lança sur le passage, bien raide, de la raideur de ceux qui ont besoin de se concentrer pour se tenir droit, mais avec une trajectoire néanmoins oblique. J'ai senti le moment où il allait se vautrer au milieu de la rue. Machinalement j'ai fait demi-tour et je l'ai attrapé fermement par le bras pour le mener à bon port de l'autre côté de la rue. Il m'a dit merci avec une émotion qui m'a fait réaliser que ce n'était pas tout les jours qu'on l'aidait à traverser la route. J'ai continué mon chemin, ne pensant avoir rien fait d'extra-ordinaire, et c'est après que je m'en suis rendu compte, et je me suis fait la réflexion qu'il n'était pas certain qu'au prochain carrefour il trouve quelqu'un pour lui faire passer la route, parce que j'ai l'impression que les gens trouvent plus normal de regarder un ivrogne se prendre une gamelle que de l'aider à traverser la route. Après tout, vous en voyez encore beaucoup vous des gens qui aident les personnes âgées à traverser les boulevards? Moi j'ai l'impression que c'est une espèce en voie de disparition.
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