"Paris, nombril crasseux et puant de France. Le soleil, suspendu au ciel comme un oeil de cyclope, jetait sur la ville une chaleur incorruptible, une sécheresse suffocante. Cette fièvre fondait sur Paris, cire épaisse, brûlante, transformait les taudis des soupentes en enfers, coulait dans l'étroitesse des ruelles, saturait de son suc chaque veine et chaque artère, asséchait les fontaines, stagnait dans l'air tremblotant des cours nauséabondes, la désertion des places.
Dans cette géhenne, la chaleur de l'été collait aux visages comme un masque, drapait les corps de feu, tuait les bêtes qui tentaient de survivre en quelque coin d'ombre, suffoquait les femmes aux poitrines poisseuses. Les glandes sudorales déversaient par flots leurs humeurs. Jaillies d'aisselles velues, elles s'écoulaient des flancs aux fesses puis sur les jambes..."
Ainsi commence Une éducation libertine, le premier roman de Jean-Baptiste Del Amo, couronné du prix Goncourt du premier roman 2009.
Je ne sais pas pour vous, mais moi on m'a toujours dit qu'en écriture il fallait faire simple, éviter les phrases trop longues, choisir un langage à la portée de tous. Ce n'est manifestement pas l'optique de Jean-Baptiste Del Amo. Mais bon, il est édité et a un prix Goncourt alors que je ne suis rien... Cependant je ne peux m'empêcher de trouver que son écriture ressemble beaucoup à de l'étalage de connaissances sur une tartine qui n'est pas très épaisse. Monsieur a besoin de deux pages pour nous dire qu'il fait chaud l'été à Paris. Plus tard il lui en faudra cinq pour dire que c'est l'hiver. Puis une dizaine pour dire que Paris est une ville salle. Puis... On a vraiment l'impression en lisant ce roman que l'auteur essaie à chaque instant de nous en mettre plein la vue, mais c'est souvent purement gratuit et sans intérêt.
Si vous avez réussi à lire ces premières lignes sans les trouver artificielles, continuez, vous en aurez encore beaucoup dans le même genre. Dans le cas contraire, abandonnez de suite, ce roman n'est pas pour vous. Il court sur plus de 400 pages, et pourtant son intrigue n'est pas très épaisse et se résumerait en un feuillet. C'est juste l'histoire d'un paysan qui arrive à Paris, qui se fait embaucher pour repêcher du bois dans la Seine puis comme apprenti perruquier, qui se fait remarquer par un aristocrate qui s'amuse de lui et lui ouvre les yeux sur son homosexualité avant de l'abandonner pour le laisser gravir le monde à la force de son cul. Il y parvient, mais ne s'accepte pas et meurt bêtement par blessures auto-infligées.
En lisant ce roman, on se dit que le jeune homme qui a écrit ceci doit quand même être sérieusement tourmenté. Les descriptions de crasse, de saleté, de pouritures, de corps abîmés, abondent. Des vers mangent les chairs, la vase ronge les corps, la merde couvre tout, le vomi, la salissure, la lie des porcs, la vérole... Sans oublier non plus la fascination du héros pour les blessures qu'il se crée sur le ventre et qu'il observe dans toutes leurs évolutions. Beurk!
Franchement, en lisant ce livre on ne peut qu'admettre qu'il y a un effort d'écriture (vous aurez peut-être même besoin d'un dictionnaire) et on peut comprendre qu'il reçoive un prix littéraire pour saluer cet essai à enrichir la langue des lecteurs éventuels, mais au delà de l'écriture artificielle on se demande s'il y a vraiment quelque chose. On peut admirer un jeune homme qui écrit "la chaleur suffoquait les femmes aux poitrines poisseuses" et saluer l'allitération, moi je ne suis pas en pâmoison.
En résumé je n'ai pas aimé.
J'adore ça, quand ça dégouline de descriptions à n'en plus finir :)
Rédigé par : Olivier Autissier | 28/01/2011 à 20:46
Ça se sent parfaitement que tu n'as pas aime et c'est un faible mot. Au contraire, j'ai trouve l'histoire et les descriptions fascinantes à la façon du Parfum. On ne peut aussi que remercier les écrivains d'utiliser la formidable richesse et de ne pas se contenter des 2000 mots utilisés dans certaines banlieues.
Rédigé par : loic | 28/01/2011 à 21:22
>Olivier. En l'occurence dans ce roman les descriptions sont uniquement répugnantes (pas question de décrire un beau paysage ou une belle robe ou un beau château, mais que des trucs à faire vomir), c'est ce qui m'a gêné.
>Loic. Ok pour la richesse du langage, ce serait mal me connaître que penser que ce serait ça qui m'aurait dérangé, mais là c'était juste de l'étalage gratuit, et tout est sale, glauque, dégueulasse, dans ce roman. Pas une seule description positive!
Rédigé par : Patrick Antoine | 28/01/2011 à 21:41
En lisant ton billet j'ai admiré sa construction: de longues phrases pour décrier l'auteur et la chute en une phrase pour exprimer ton point de vue. Une jolie petite mise en abymes!
Rédigé par : Fab | 28/01/2011 à 22:48
>Fab. Euh... si c'est vrai c'est inconscient! (l'auteur m'aura contaminé à l'insu de mon plein grè?)
Rédigé par : Patrick Antoine | 28/01/2011 à 23:52
Je dois bien avouer qu'un peu, ça va mais trop... J'ai tenu jusqu'à la moitié après j'ai abandonné. Toute façon l'histoire n'avance pas, il y a des redites et le propos final est vain.
Également une grosse déception pour moi.
Rédigé par : Kynseker | 29/01/2011 à 11:58
Je suis allé jusqu'au bout.... avec difficulté mais je dois dire qu'il rend bien une atmosphère même si cette débauche de descriptions finit par lasser. Ce monsieur a un problème avec les excréments et la pourriture :-)
Rédigé par : Alain lo Grelh | 29/01/2011 à 21:29
>Kynseker. Pour la fin on a l'impression que l'auteur ne sait pas où va son histoire. Il a un début, il se perd dedans, et après il n'arrive plus à faire avancer son histoire, alors il la saborde d'une fin à la limite de l'absurde
>Alain. Ca oui, elle est bien rendue l'atmosphère! A force de répétitions on finit par comprendre...
Rédigé par : Patrick Antoine | 29/01/2011 à 23:05