Il y a un peu plus d'un an, quand j'ai annoncé au boulot pour des raisons protestataires que je ne porterais plus que du noir pour aller travailler, personne n'a vraiment réagi. Mais je me suis effectivement mis à ne plus porter que du noir, alors que j'adore les couleurs et que je porte la plupart du temps des bleus ou des verts dans ma vie privée.
Les gens ont fini par remarquer que je ne portais plus que du noir, certains sachant ce que ça voulait dire, d'autres s'en contre-foutant (après tout, il y a beaucoup de gens qui ne portent que du noir, et ça n'a pas forcément une signification). Pour moi c'est devenu une habitude, et à la longue je n'y pensais même plus. Le matin quand je m'habille j'ouvre l'armoire noire, je ne regarde même pas ailleurs. Quand je rentre le soir, j'enlève mes habits de travail et je passe à autre chose, je passe d'un univers à l'autre.
Par contre il y a quelques personnes qui savent pourquoi je porte ces vêtements de deuil et qui ne s'y habituent pas, m'ayant connu plus bigarré. Parfois on me demande quand est-ce que je vais me remettre à porter autre chose que du noir, et je sens que ces gens là ont de la peine pour moi. Je ne sais que répondre. Ce port du noir n'a plus tout à fait le même sens pour moi, il n'a plus le sens contestataire mortifère initial. Il est devenu une habitude, une simplicité, une neutralité.
Je pense que c'est un peu dans la continuité des changements que j'ai opérés dans ma vie ces dernières années, une constituante de ce que j'appelle ma "mid-life crisis". J'ai de plus en plus envie de simplicité, de frugalité. Après quelques années un peu trop excessives, je m'apprécie de plus en plus dans des couleurs plus tranquilles, plus paisibles. Je m'aime bien en noir. J'aime l'idée de ne pas avoir à choisir entre trente-six chemises pour savoir laquelle mettre. Quelque part, c'est aussi une sorte de quiétude externalisée.
Aujourd'hui quand je porte du noir ça ne veut pas dire forcément que j'ai les idées noires. Aujourd'hui quand je change des pièces de ma garde-robe, presque systèmatiquement je prends du noir. J'ai accepté l'idée d'être invisible, de ne plus paraître par mes vêtements, je n'ai plus besoin d'être remarqué. J'ai accepté d'être simplement ce que je suis, c'est peut-être l'âge qui veut ça, et la quiétude de l'anonymat me convient.
J'aime le classicisme et la sobriété du noir. En même temps c'est une couleur franche, ce n'est pas un compromis gris ou marron ou beige. Ca me correspond assez, je suis quelqu'un de sobre, de classique, mais d'une franchise à toute épreuve.
Et puis, c'est l'hiver. Peut-être qu'à la belle saison des couleurs plus claires feront leur retour dans mes armoires?
(en attendant, pour rassurer les gens qui s'inquiètent, j'essaie de penser au moins une fois tous les quinze jours à porter autre chose que du noir. Aujourd'hui j'ai porté un vieux col roulé vert kaki)
J'ai beaucoup aimé ton texte et ce qu'il y décrit. C'est posé, calme et explicatif comme la démarche que tu as entrepris. Cela ferait presqu'un sujet de nouvelle.
Rédigé par : The Shade | 17/12/2012 à 00:44
Alors peut-être faudrait-il un jour que je m'essaie à la nouvelle? Merci!
Rédigé par : Patrick Antoine | 30/12/2012 à 13:31