Quand je pars me promener, je ne sais pas forcément où je vais, je me contente d'aller où mes pas me mènent. Je vais au hasard, découvrant de nouveaux endroits, m'imprégnant de l'influence du temps qui passe, du poids des saisons dans la ville. Je regarde les façades, les fantaisies architecturales, les passages inconnus. Paris est une perpétuelle découverte.
Par exemple ce dimanche j'ai traversé pour la première fois le jardin Villemin. Je suis passé des milliers de fois devant en longeant le canal Saint-Martin, j'ai admiré de loin son immense kiosque, mais je n'étais jamais rentré dedans.
J'ai aussi découvert une partie du cimetière du Père Lachaise jusqu'à alors inconnue: le crématorium et le columbarium qui l'entoure. A vrai dire, je n'avais aucune existence de cet endroit, arrivant généralement dans le cimetière par le bas et prenant rarement le temps d'en faire le tour.
Ce dimanche je suis monté, et je me suis dit en passant devant Molière que ce devait être sympa d'avoir une tombe avec une vue aussi dégagée sur Paris. Il faisait beau, la vue était claire, le génie de la Bastille luisait au loin dans l'axe du Panthéon.
J'ai continué l'ascension, je suis arrivé sur un carré de verdure entouré de bancs où les gens prenaient le soleil en bouquinant. Puis j'ai continué vers ces cheminées qui indiquaient la présence probable d'un four, et je suis arrivé sur cet édifice de facture classique et d'une certaine beauté.
J'ai découvert toutes les urnes entassées sur les pourtours des bâtiments qui forment un carré autour du crématorium, je me suis dit que ça pouvait être sympa aussi d'être dans une de ces boîtes qui donnent sur un jardin à la française avec des allures de cloître. Quitte à être entreposé quelque part, autant prendre le moins de place possible et être quand même dans un endroit sympa.
Puis j'ai vu des escaliers qui descendaient vers une crique. Je suis descendu, et là, horreur des horreurs, j'ai vu des innombrables allées de boîtes empilées les unes sur les autres sur plusieurs niveaux. Et là je me suis dit: tout sauf ça! Je suis ressorti aussitôt.
Je ne sais pas ce qu'il adviendra de moi après ma mort, mais si possible j'aimerais être brulé et prendre le moins de place possible ensuite. Et si vraiment il n'est pas possible d'éparpiller mes cendres dans la nature, au moins que mon urne ne soit pas plongée dans l'obscurité pour la nuit des temps, laissez moi continuer à goûter les saisons qui passent.
Commentaires