Chocolat ou café?

Black is back

Il y a un peu plus d'un an, quand j'ai annoncé au boulot pour des raisons protestataires que je ne porterais plus que du noir pour aller travailler, personne n'a vraiment réagi. Mais je me suis effectivement mis à ne plus porter que du noir, alors que j'adore les couleurs et que je porte la plupart du temps des bleus ou des verts dans ma vie privée.

Les gens ont fini par remarquer que je ne portais plus que du noir, certains sachant ce que ça voulait dire, d'autres s'en contre-foutant (après tout, il y a beaucoup de gens qui ne portent que du noir, et ça n'a pas forcément une signification). Pour moi c'est devenu une habitude, et à la longue je n'y pensais même plus. Le matin quand je m'habille j'ouvre l'armoire noire, je ne regarde même pas ailleurs. Quand je rentre le soir, j'enlève mes habits de travail et je passe à autre chose, je passe d'un univers à l'autre.

Par contre il y a quelques personnes qui savent pourquoi je porte ces vêtements de deuil et qui ne s'y habituent pas, m'ayant connu plus bigarré. Parfois on me demande quand est-ce que je vais me remettre à porter autre chose que du noir, et je sens que ces gens là ont de la peine pour moi. Je ne sais que répondre. Ce port du noir n'a plus tout à fait le même sens pour moi, il n'a plus le sens contestataire mortifère initial. Il est devenu une habitude, une simplicité, une neutralité.

Je pense que c'est un peu dans la continuité des changements que j'ai opérés dans ma vie ces dernières années, une constituante de ce que j'appelle ma "mid-life crisis". J'ai de plus en plus envie de simplicité, de frugalité. Après quelques années un peu trop excessives, je m'apprécie de plus en plus dans des couleurs plus tranquilles, plus paisibles. Je m'aime bien en noir. J'aime l'idée de ne pas avoir à choisir entre trente-six chemises pour savoir laquelle mettre. Quelque part, c'est aussi une sorte de quiétude externalisée.

Aujourd'hui quand je porte du noir ça ne veut pas dire forcément que j'ai les idées noires. Aujourd'hui quand je change des pièces de ma garde-robe, presque systèmatiquement je prends du noir. J'ai accepté l'idée d'être invisible, de ne plus paraître par mes vêtements, je n'ai plus besoin d'être remarqué. J'ai accepté d'être simplement ce que je suis, c'est peut-être l'âge qui veut ça, et la quiétude de l'anonymat me convient.

J'aime le classicisme et la sobriété du noir. En même temps c'est une couleur franche, ce n'est pas un compromis gris ou marron ou beige. Ca me correspond assez, je suis quelqu'un de sobre, de classique, mais d'une franchise à toute épreuve.

Et puis, c'est l'hiver. Peut-être qu'à la belle saison des couleurs plus claires feront leur retour dans mes armoires?

(en attendant, pour rassurer les gens qui s'inquiètent, j'essaie de penser au moins une fois tous les quinze jours à porter autre chose que du noir. Aujourd'hui j'ai porté un vieux col roulé vert kaki)

Rêves réalistes

On s'est tous posé au moins une fois la question de savoir ce qu'on ferait si du jour au lendemain on héritait de plein d'argent ou gagnait à la loterie. La plupart des gens répondent qu'ils quitteraient leur emploi, achèteraient une grande maison, feraient le tour du monde, et laisseraient leur argent fructifier en banque.

Curieusement l'idée de faire le tour du monde ou de vivre dans une grande maison ne m'intéresse pas plus que ça. J'ai des rêves beaucoup plus simples, beaucoup plus réalisables. Idéalement je voudrais juste avoir une petite maison au milieu de la nature, à Ibiza ou en bretagne, quelque part où la mer est accessible à pied ou à vélo. Je rêve juste de pouvoir me baigner dans la mer tous les jours, de pouvoir faire du vélo dans la campagne tous les jours, de pouvoir marcher dans les bois ou les pinèdes tous les jours, de pouvoir écrire et lire tranquillement, peindre et bricoler.

Le luxe suprême, ce serait juste d'être indépendant, totalement, de pouvoir même vivre en autarcie si je le veux. Produire ma propre électricité, cultiver mon potager, ne rien devoir à personne. Ca ne veut pas dire non plus que je rêve d'être seul, fermé au monde. Non, juste être indépendant. Par contre rester connecté aux autres me semble toujours important, et je suis trop peu "mouton docile" pour ne pas avoir l'envie de m'impliquer dans une cause ou un combat, une façon ou une autre de défendre l'opprimé.

Si j'étais deux, je rêverais de partir ensemble, de gérer une exploitation agricole (bio évidemment), mais sans la contrainte de la rentabilité. J'aime la terre, j'aime le contact de la nature, et j'ai le goût de l'effort. J'envie beaucoup ces couples qui se forment et qui ont le courage de partir ensemble pour fonder un projet commun. La peur du lendemain me rend couard, avoir un matelas financier serait une liberté pour oser.

Et si vraiment j'avais plein plein d'argent? Non, je ne demanderais pas une banque de l'investir pour moi. Je ne veux pas d'actions en bourse, je suis contre ce système fondé sur l'usure et l'exploitation de l'autre. Il serait à la banque, parce qu'il faut bien le mettre quelque part, mais j'aimerais créer une sorte de fondation qui permettrait de financer des micro-crédits sans taux d'intérêt aux gens qui auraient des projets de vie bien réels.

Et puis je voudrais aussi lutter pour ma communauté. Je voudrais créer des endroits pour loger et éduquer ces jeunes que leurs parents jettent à la rue quand ils découvrent leur non-hétéro sexualité. Je voudrais créer des maisons de retraite pour gay et lesbiennes, ces vieux que la société ignorent complètement. Et j'aimerais aussi créer des liens entre ces deux générations, les vieux et les jeunes, parce que ça me semble important le vivre-ensemble et la transmission de toutes ces luttes que nous avons du mener et que nous continuerons à mener.

Voilà ce à quoi j'ai pensé en sortant du film "Les invisibles" de Sébastien Lifshitz alors que je remontais la rue Hauteville pour rentrer chez moi. C'est le genre de projets qui revient régulièrement à moi, ce que je voudrais faire de ma vie si j'en avais les moyens.

Et vous, ça vous arrive de rêver à un autre vie?

Nouveau départ, ressourcerie, géode

Ca fait donc un peu plus d'une semaine que j'ai signé un avenant à mon contrat et fait une mobilité interne. C'est un renouveau, un nouveau départ. Je vais changer d'activité, travailler avec d'autres personnes, rencontrer de nouveaux défis, avoir de nouveaux centres d'intérêt.

Et surtout je vais travailler avec de nouveaux collègues. Evidemment il y a des gens que j'ai rencontrés dans mon emploi précédent qui garderont je l'espère une place à part dans ma vie, et j'espère qu'une moindre proximité ne sera pas un obstacle insurmontable pour que nos relations demeurent, mais c'est palpitant le changement, car ça permet de rencontrer de nouvelles personnes, d'être amené à croisé de nouvelles têtes qu'on ne faisait qu'apercevoir à la pause café ou au restaurant d'entreprise.

Quand j'ai rencontré ma voisine de nouveau bureau, la première chose qu'elle m'a demandée c'est si elle ne m'avait pas déjà vu en train de faire du vélib dans le 18e. Bingo, c'est bien moi! Du coup c'est intéressant, parce que je découvre quelqu'un qui connait mon quartier. Pour les petites adresses sympa ça peut être très pratique.

Je suis toujours à la peine quand des gens viennent chez moi et proposent ensuite d'aller dîner dans le quartier, parce que je ne connais pas mon quartier. Généralement quand je sors je sors aussi de mon quartier. Maintenant je saurais où aller.

Hormis le fait qu'elle se déplace aussi à vélib, j'ai découvert que nous avions d'autres point commun, et notamment la musique classique. Vous saviez qu'on retransmettait des opéras à la Géode vous? Moi pas. Maintenant je le sais. C'est bien de rencontrer de nouvelles têtes!

Elle m'a aussi parlé de la Ressourcerie. Je ne sais pas si vous vous en souvenez, mais il y a grosso modo un an, quand j'ai fait ma mid-life crisis, je me suis lancé dans une entreprise d'épuration de mon intérieur. J'ai trouvé que c'était un peu trop surchargé chez moi, qu'il y avait trop de choses qui s'accumulaient. J'ai réduit la gamme chromatique de mon intérieur, j'ai simplifé, nettoyé, trié, rangé. Et après c'était posé le problème de que faire de tous ces objets pas vraiment utiles que je ne souhaitais plus garder. Je ne savais pas qu'en faire.

Je ne savais tellement pas qu'en faire qu'ils m'encombrent toujours en attendant que je trouve une solution pour leur deuxième vie. Et c'est là que la Ressourcerie va changer ma vie. La Ressourcerie, c'est dans mon quartier, pas besoin d'aller au bout du monde, et c'est un atelier de récupération et de collecte d'objets inutilisés ou abîmés pour les reconvertir et les revendre ou les éliminer proprement avec un but de réinsertion sociale pour les gens qui y travaillent. Je vais enfin pouvoir me débarrasser des choses qui m'encombrent avec l'impression de ne pas simplement polluer les trottoirs et de contribuer à une action positive. Elle est pas belle la vie?

Cliquer sur ce lien, et surtout regardez la vidéo qui s'y trouve, elle est très bien faite. Vous y trouverez aussi les adresses de 4 ressourceries (dans les 10e, 11e, 13e et 18e arrondissements)

 

Entre vivants et morts

Quand je pars me promener, je ne sais pas forcément où je vais, je me contente d'aller où mes pas me mènent. Je vais au hasard, découvrant de nouveaux endroits, m'imprégnant de l'influence du temps qui passe, du poids des saisons dans la ville. Je regarde les façades, les fantaisies architecturales, les passages inconnus. Paris est une perpétuelle découverte.

Par exemple ce dimanche j'ai traversé pour la première fois le jardin Villemin. Je suis passé des milliers de fois devant en longeant le canal Saint-Martin, j'ai admiré de loin son immense kiosque, mais je n'étais jamais rentré dedans.

J'ai aussi découvert une partie du cimetière du Père Lachaise jusqu'à alors inconnue: le crématorium et le columbarium qui l'entoure. A vrai dire, je n'avais aucune existence de cet endroit, arrivant généralement dans le cimetière par le bas et prenant rarement le temps d'en faire le tour.

Ce dimanche je suis monté, et je me suis dit en passant devant Molière que ce devait être sympa d'avoir une tombe avec une vue aussi dégagée sur Paris. Il faisait beau, la vue était claire, le génie de la Bastille luisait au loin dans l'axe du Panthéon.

J'ai continué l'ascension, je suis arrivé sur un carré de verdure entouré de bancs où les gens prenaient le soleil en bouquinant. Puis j'ai continué vers ces cheminées qui indiquaient la présence probable d'un four, et je suis arrivé sur cet édifice de facture classique et d'une certaine beauté.

J'ai découvert toutes les urnes entassées sur les pourtours des bâtiments qui forment un carré autour du crématorium, je me suis dit que ça pouvait être sympa aussi d'être dans une de ces boîtes qui donnent sur un jardin à la française avec des allures de cloître. Quitte à être entreposé quelque part, autant prendre le moins de place possible et être quand même dans un endroit sympa.

Puis j'ai vu des escaliers qui descendaient vers une crique. Je suis descendu, et là, horreur des horreurs, j'ai vu des innombrables allées de boîtes empilées les unes sur les autres sur plusieurs niveaux. Et là je me suis dit: tout sauf ça! Je suis ressorti aussitôt.

Je ne sais pas ce qu'il adviendra de moi après ma mort, mais si possible j'aimerais être brulé et prendre le moins de place possible ensuite. Et si vraiment il n'est pas possible d'éparpiller mes cendres dans la nature, au moins que mon urne ne soit pas plongée dans l'obscurité pour la nuit des temps, laissez moi continuer à goûter les saisons qui passent.

Moutons de seconde zone

Suite à la manifestation des intégristes religieux catholiques du 18 novembre dernier et à la violence dont avaient été victimes les représentantes du groupe Femen, j'avais écrit combien j'en étais à me demander si le gouvernement actuel ne se foutait pas complètement des citoyens que nous sommes nous les homos. J'avais parié qu'aucun membre de ce gouvernement ne condamnerait dans la presse ces actes odieux, hormis la porte-parole qui ferait l'habituel service minimum. C'est exactement ce qui s'est passé.

Dans la foulée nous avons eu droit à un président qui s'est prononcé sur une "liberté de conscience" des maires qui pouraient accepter de nous marier ou non suivant leur bon vouloir. Eh oui, nous vivons en France dans un pays démocratique où la loi n'est pas la même pour tout le monde et où un maire peut choisir de te marier ou pas selon sa "liberté de conscience".

Bien sûr, constatant les hurlements de la meute de tous ces citoyens de seconde zone que nous sommes, notre président adepte du tango (un pas en avant, deux pas en arrière?) a prétendu qu'il s'était mal exprimé, que ce n'était pas ce qu'il avait voulu dire, que les mots "liberté de conscience" ne faisaient pas partie de sa pensée, que ces termes ne seraient pas transcris dans le texte de loi. Par contre un maire poura toujours déléguer à ses adjoints, ce qui se fait déjà. Curieusement ça a suffit à calmer la meute des citoyens de seconde zone. Pourtant c'est blanc bonnet et bonnet blanc.

Alors?

Alors je me dis parfois que si l'homophobie est aussi présente dans notre société, c'est peut-être non seulement parce qu'elle n'est pas condamnée, mais aussi parce que les gens qui la subissent l'acceptent. Il va falloir attendre encore longtemps avant que tous ces citoyens de seconde zone que nous sommes se révoltent et exigent une réelle égalité? Les militants des années 60 et 70 me semblent avoir été autrement plus actifs...

Comme des frères

C'est un film agréable, qui se laisse regarder de façon paisible. Pas de fortes émotions, pas de grands rires, un film gentil. Une histoire à peine crédible, un scénario mal ficelé, mais une rencontre entre trois acteurs qui fonctionne bien, et le reste on s'en fout un peu.

Charlie est morte. C'est le point de départ du film, la raison qui fait que ces trois hommes entreprennent un voyage ensemble de 900km en voiture alors qu'ils se supportent moyennement. C'est aussi la partie du scénario la moins crédible, mais il fallait bien que le réalisateur trouve un point commun à ces trois hommes. Ce point commun c'est Charlie, une jeune fille qu'ils ont tous les trois connu, chacun à leur façon, et qui a marqué leur vie au point qu'ils sont prêts à faire ce dernier voyage en sa mémoire.

Trois bons acteurs, une complicité à l'écran très agréable, un trio qui fonctionne bien. C'est tout ce que je retiendrais de ce film. Charlie, interprétée par Mélanie Thierry façon dame-aux-camélias, m'était peu supportable, on avait à chaque moment l'impression qu'elle portait toute la misère du monde sur ses épaules.

Pierre Niney, Nicolas Duvauchelle, François-Xavier Demaison

Devenir invisible

J'ai donc géré le site internet du club parce que personne ne voulait le faire et qu'il était à l'abandon depuis deux ou trois ans. La première année tout c'est bien passé, tout le monde était content qu'il y ait un site.

Comme tous les ans, le CA s'est renouvelé en fin d'année. Je suis reparti pour un an. Il y avait de la jeunesse aux dents longues dans ce nouveau CA. Rapidement il a été trouvé que notre logo n'était plus assez bien, qu'il nous faudrait quelque chose de plus actuel, de plus mode, de plus dynamique, blablabla. Why not?

Et puis un jour j'ai appris, en réunion mensuelle de CA, qu'un nouveau logo avait été conçu. J'étais un peu chagrin de l'apprendre comme ça, ayant plus ou moins espéré, vu mon implication dans la vie technique et graphique du club et mes compétences artistiques, qu'on me demanderait mon avis, voir même qu'on me demanderait de le concevoir. Mais non, c'est quelqu'un qui n'appartenait pas au club qui l'a conçu, et je n'ai jamais su quel avait été le cahier des charges.

Ravalant ma fierté, j'ai demandé à ce qu'on me l'envoie, que je puisse le mettre en ligne sur le site. Et une Cécile m'a répondu que ce ne serait pas la peine, parce qu'il avait aussi été décidé de changer de site internet, et c'était pris en charge, un nouveau site était en cours de création.

Je crois que c'est à cet instant que j'ai décidé de ne plus m'investir dans la vie du club, je ne me suis pas représenté au CA à la fin de l'année. Le nouveau logo je l'ai découvert quand la nouvelle ligne de t-shirts du club a été proposée à l'achat des coureurs.

Ensuite il y a eu plein de petites choses désagréables, plein de petits trucs qui m'ont atteint, pour finir par une histoire étalée sur la place publique et pour laquelle je n'ai reçu aucun soutien. Ce jour j'ai fini par comprendre beaucoup de choses, j'ai définitivement quitté le club.

Je n'ai pas fait de bruit, je n'ai pas crié sur les toits, j'ai juste arrêté de venir aux entraînements. J'ai bien été obligé de constater que, après avoir couru avec tous ces gens pendant plusieurs années, pas un n'a pris de mes nouvelles en ne me voyant plus aux entraînements. Je me suis dit que j'avais pris la bonne décision.

Et puis un jour je me suis rendu compte que, sur environ 200 personnes, il n'y avait pas un seul noir ou arabe dans ce club. Certains étaient venus, ils n'étaient jamais resté très longtemps. J'ai mieux compris rétrospectivement beaucoup de choses.

Finalement cette expérience a été très formatrice, elle m'a appris à ouvrir les yeux sur des choses que je ne voyais pas ou ne voulais pas voir avant. Elle m'a aussi appris à ne pas m'inquiéter quand je suis en face d'un coureur qui fait semblant de ne pas me voir alors que je suis en face de lui, certaines personnes ne voient que les gens qu'elles ont envie de voir. Maintenant je sais que je peux être invisible, et ça ne me tourmente plus.

Formation

Il y a une quinzaine de jours j'ai utilisé quelques heures de mon DIF pour suivre une formation "réaliser un site web pour non informaticien". Je ne savais pas trop à quoi m'attendre, je m'attendais à quelque chose d'assez technique et d'assez laborieux, mais je voulais savoir comment être capable de créer moi même un site, mon site.

Finalement j'ai été très surpris (et très content) de réaliser que je n'étais pas si ignorant que ça en la matière. En fait je connais déjà toutes les bases pour créer un site web, j'ai les notions de base du html, et cette formation m'a permis de valider toutes ces choses et de savoir avec plus de certitude ce que j'ai appris en bidouillant.

Gérer mon blog, mes blogs, jeter un oeil dans le langage html de ce que j'écris, m'a familiarisé avec le domaine, mais surtout c'est mon expérience de gestion du site des Front Runners (l'assoc avec laquelle j'ai longtemps couru) qui m'a été très bénéfique.

Un jour le club s'est aperçu qu'il n'avait pas de site internet à jour et que ça pouvait être très utile dans le monde virtuel dans lequel nous vivons d'avoir une plateforme sur le web. Il y avait bien eu un site un jour, mais la personne qui s'en occupait était parti vers d'autres horizons, laissant le site en déshérence. Il a été décidé de le mettre à jour, personne dans le C.A. (dont je faisais partie) ne se sentait de le faire, alors je me suis lancé.

J'ai complètement refondu tout le site, refait chaque page, chaque lien d'une page à l'autre, créant même des pages temporaires (quand j'ai créé le TIP par exemple, un tournoi international auquel le club participe maintenant tous les ans, ou à l'occasion d'un salon associatif, ou pour la course de la Saint-Valentin du club). Je ne m'en étais pas rendu compte, mais créer un site c'est ça: créer des pages, une architecture, et les mettre en ligne, les actualiser, les suivre.

Mon passage aux Front Runners de Paris m'aura au moins servi à quelque chose: me former sur le tas à la création / gestion d'un site internet.

World Toilet Day

Hier lundi 19 novembre c'était la journée mondiale des toilettes. Si si, ça existe. Le but serait de mettre en évidence les pays où les toilettes n'existent pas ou peu pour les inviter à réfléchir sur l'impact des déjections humaines dans la nature. Impact qui peut occasionnellement provoquer des troubles sanitaires, des épidémies, des problèmes d'alimentation.

Je dis des conneries? Ah oui, c'est vrai. Le but de cette journée est en fait simplement que les femmes et les handicapés aient aussi accès à des toilettes. Et c'est un problème lourd de conséquences, les hommes pouvant se soulager de façon beaucoup plus discrète et craignant moins de se faire agresser s'ils se trouvent seul dans un coin sombre.

Je ne sais pas pourquoi, mais je n'ai pas pû m'empêcher de penser à Paris, la ville où je vis depuis quasi vingt ans. Paris est une ville où les toilettes publiques sont inexistantes la nuit, et insuffisantes le jour. Quelqu'un a t-il penser aux conséquences que ça a, hormis le fait que ce soit humiliant et dégradant pour un homme ou une femme d'être obligé de se cacher dans un coin sombre ou entre deux voitures pour assouvir un besoin impérieux?

Alors sourions si nous voulons à l'idée d'une journée mondiale des toilettes, mais n'oublions pas que tout le monde, même dans une ville comme la notre, n'a pas forcément accès à des toilettes de façon très simple. Ca nous est tous arrivé un jour ou l'autre d'être très embêté par des problèmes gastriques...

Homophobie autorisée?

Ce qui s'est passé cet après-midi lors de la manifestation anti-mariage-pour-tous organisée par la secte Civitas me choque profondément. Vous avez tous vu les images, sur le web ou sur les télés, de ces femmes qui sont agressées par des hommes venus pour en découdre. Ces images sont insoutenables, ces actes sont inacceptables. Pourtant?

Pourtant ce soir je n'ai pas entendu notre président faire une déclaration pour dire combien il est choqué. Je n'ai pas entendu notre ministre de l'intérieur, responsable de l'ordre dans nos rues, responsable d'avoir autorisé cette manifestation, dire que c'était inacceptable. Je n'ai pas entendu notre ministre de la justice, responsable de l'exécution des lois, dire que ces actes illégaux devaient être condamnés. En fait, je n'ai entendu personne. Pourtant, vu que les images font le tour des écrans, il faudra bien tôt ou tard que quelqu'un dise quelque chose. Peut-être que la porte-parole nous dira ingénument que le gouvernement ne laissera pas passer ces actes? Mais il ne suffit pas de le dire, il faut agir aussi.

Je n'ai pas entendu non plus que la police était intervenue. Je n'ai pas entendu qu'elle avait arrêté les agresseurs. Pourtant leurs portraits circulent sur tous les écrans. Alors, que fait la police? N'est-elle pas responsable de faire régner l'ordre public? Comment une telle chose a t-elle pu arriver? Dans d'autres pays on exigerait des démissions. On finirait par croire qu'il est acceptable de tabasser une lesbienne en public.

Toutes proportions gardées, ça m'a fait penser à la dernière gay pride. A un moment nous sommes passés derrière une église extrémiste et nous avons été abreuvés d'injures homophobes. La police était là, elle maintenait un cordon entre les excités et les manifestants de la gay pride. Mais personne n'a essayé de faire taire ces gens. C'était exactement comme si leurs propos homophobes étaient finalement acceptables.

Aujourd'hui, à défaut de condamner tous ces actes homophobes, je ne peux m'empêcher d'avoir la désagréable impression que ceux qui nous gouvernent les cautionnent.

Aujourd'hui je commence à penser que ce mariage-pour-tous reporté à "plus tard" ressemble de plus en plus à une incitation à la haine homophobe. Ca me fait tristement penser aux débats sur l'identité nationale du gouvernement précédent.

Et je ne comprends pas que cette organisation religieuse extrêmiste soit une secte ayant pignon sur rue dans notre société supposée laïque. Que ne demande t-on pas sa dissolution si elle prône des valeurs contraires à nos lois?

(par ailleurs, si ces femmes rouées de coups n'avaient pas été lesbiennes, vous savez tout aussi bien que moi qu'un ministre se serait déjà exprimé pour condamner la barbarie de ces actes)

Rengaine

Très rapidement je me suis demandé ce que je faisais dans la salle, je trouvais ça nul, caricatural, sans intérêt. Mais je suis resté, parce que j'avais entendu que c'était un petit film fait sans moyens mais qui avait réussi de par son intérêt et un bouche-à-oreille positif à se faire son chemin. Et donc je me suis fait chier jusqu'à la fin. Je crois bien que pas un moment n'a trouvé grace à mes yeux.

Pourtant c'est tourné dans un Paris qui est le mien, dans des endroits que je reconnais, des décors qui me sont familiers. C'aurait dû être un point positif. Mais le grain de l'image est tellement envahissant (ok c'est tourné sans moyen, mais des films des années 40 sont plus agréables à regarder!) que regarder ce film est physiquement une épreuve quasi douloureuse.

Pourtant le thème abordé, le mélange des gens, des communautés, la question du mariage entre un noir et une arabe, sont des thèmes qui accrochent mon intérêt. Mais non, c'était trop caricatural, trop irréaliste, trop fantaisiste. C'était tellement impossible d'y croire (la future mariée avait QUARANTE frères!!) qu'on n'y croit pas.

Je ne sais pas si le but de ce film était didactique et d'oeuvrer pour une meilleure fraternité entre des communautés qui frayent ensemble sans trop se mélanger, mais je suis complètement passé à côté de ce message.

En sortant j'ai entendu la personne devant moi dire à la personne qui l'accompagnait que c'était "nul à chier", je partage complètement cette opinion. Je ne dois pas être le bon public cible.

De quoi ça parlait? Ah oui, je ne l'ai même pas écrit. D'un noir et d'une arabe qui s'aiment et veulent se marier et qui découvre que tout leur entourage, leur famille, le poids des traditions, des us et coutumes, vont se mettre en branle pour empêcher ce mariage. A un moment dans le film un protagoniste questionne: "tu as déjà vu un noir et une arabe se marier? Moi pas. Des blancs et des arabes oui, des noirs et des blancs oui, mais des noirs et des arabes non." Je me suis questionné. c'est comme ça aussi dans la vraie vie?

Argo

Ca c'est du cinéma qui vous emporte. L'histoire est basée sur des faits réels, et au départ on n'est pas tout à fait certain de savoir si on est dans un film ou un documentaire, les premières images ancrent le film dans une réalité très bluffante. Puis il y a l'invasion de l'ambassade, et là on est vraiment dans le film.

Le fait réel, c'est quand au cours de la révolution iranienne de 1979 l'ambassade américaine de Téhéran a été envahie par une foule en colère qui voulait qu'on leur rende le shah d'Iran qui avait trouvé refuge à l'étranger avec l'aide de ses anciens alliés. Ils avaient pris en otage tous les américains présents sur place, mais six d'entre eux avaient réussi dans la confusion générale à s'échapper et avaient été cachés au domicile de l'ambassadeur canadien. Sachant que leur absence allait finir par être remarquée, un homme de la CIA avait été envoyé sur place pour les faire sortir du pays incognito. C'est cette évacuation sous l'apparence d'une équipe de cinéastes en repérage qu'on nous montre.

J'ai trouvé ça vraiment très bien fait. On vibre avec les captifs, on les suit dans ce monde hostile, et on retient son souffle jusqu'à la fin. Vraiment un film réussi! Pour tout vous dire j'avais un voisin de cinéma du genre à réagir avec trente secondes de retard sur tout le monde (vous savez, celui qui commence à rire quand tout le monde a fini) et il n'a pas réussi à me gâcher mon plaisir.

Et puis j'avoue que laisser ma vie et mon destin entre les mains d'un Ben Affleck en nounours barbu et au cheveu épais et dru n'est pas une expérience qui me déplairait. Quitte à choisir un sauveur avec un potentiel érotique, c'est quand même plus épicé qu'un Craig Daniel même déguisé en James Bond.

 

Marathon & Musée

Tous les ans je me pose plus ou moins la même question: est-ce que je prépare un marathon l'année prochaine? J'ai regardé les tarifs pour le marathon de Paris début avril 2013, ça m'a refroidit. Payer une centaine d'euros pour courir en bas de chez moi sur un trajet que je peux faire quand j'en ai envie, je trouve ça un peu chérot.

J'ai bien conscience que c'est parce que c'est celui de Paris qu'il est aussi cher et que ceux des villes de province sont deux fois moins chers. Tous les marathons qui se courent dans des grandes villes affichent des prix prohibitifs. Cependant je ne comprends pas qu'il n'y ait pas à chaque fois un tarif préférentiel pour les gens qui habitent sur place. Je comprendrais très bien si j'allais courir le marathon de Londres ou de Berlin que le coureur local paye un prix inférieur au mien, ça me paraîtrait même normal. Alors pourquoi ne propose t-on pas trois prix: un pour les étrangers, un pour les français, un pour les parisiens.

C'est un peu la même chose pour les musées. Je ne comprends pas que le parisien doive payer le même prix pour aller au Louvre ou à Orsay que le japonais ou le chilien du bout du monde. Ce patrimoine, n'est-ce pas un peu le notre, n'est-il pas un peu entretenu et valorisé par nos impôts?

Rencontre nocturne

C'était un soir, ou plutôt une nuit. Je rentrais à pied et remontais le boulevard de Strasbourg quand une main s'est posée sur mon épaule et m'a demandé son chemin, la gare du Nord. C'est tout droit ai-je répondu. Tout droit? Enfin presque, juste en face vous avez la gare de l'Est et la gare du Nord est sur sa gauche. Il a continué son chemin, mais je l'ai vu cent mètres plus loin essayer de se repérer sur un plan à une sortie de métro.

Quand je suis arrivé à sa hauteur, je lui ai demandé en passant s'il avait visualisé où il était. Pas tout à fait m'a t-il répondu, en fait je vais du côté de Jules Joffrin. Oh c'est tout simple ai-je enchaîné, vous prenez le boulevard de Magenta sur votre gauche au croisement et c'est toujours tout droit. Il change de nom ensuite mais il va jusqu'à la porte de Clignancourt. Et, comme je voyais qu'il n'était pas très sûr de lui, j'ai rajouté que j'allais dans la même direction, que si je voyais qu'il tournait dans la mauvaise direction je lui ferai signe. Et là tout naturellement il m'a proposé de faire le chemin ensemble.

Et donc nous avons bavardé, de tout et de rien.

Il venait de rentrer en France après des années travaillées ailleurs en Europe, notamment en Angleterre, et trouvait le milieu professionnel français avec ses habitudes très différent d'où il venait, très coincé et très basé sur les diplômes et des régles artificielles plutôt que sur des compétences et des capacités à faire les choses. Il n'arrivait pas à s'y faire et envisageait de retourner vivre ailleurs. Je ne le comprenais que trop bien, ayant moi aussi des envies récurrentes d'aller voir si l'herbe ne serait pas plus accueillante ailleurs.

Nous avons parlé de la vie, des choses qu'on est supposé faire pour faire comme tout le monde, de la pression des gens pour rentrer dans le moule. Il avait la trentaine et me disait que tous ses amis étaient dans la période où on fait des enfants et qu'il sentait une pression autour de lui pour qu'il s'engage et fasse lui aussi des enfants. Ca ne faisait pas partie de ses envies, et il avait plutôt du mal à avoir des relations stables. Il m'a demandé où j'en étais de mon côté, je lui ai dit que j'étais homo, que peut-être à une époque j'aurais aimé avoir un enfant mais que la vie en avait décidé autrement.

Nous avons parlé politique, nous avons parlé écologie, nous avons parlé de notre gouvernement soit-disant de gauche mais qui mène une politique de droite, nous avons parlé des Verts qui ont été catastrophiques dans la campagne présidentielle et qui se sont complètement écrasés pour avoir des places au gouvernement, si bien qu'aujourd'hui plus personne ne croit en eux et qu'ils ne représentent plus rien.

Nous avons continué sur les relations entre les gens, cette froideur du parisien moyen qui ne parle pas aux gens qu'il ne connait pas contrairement à d'autres pays où des inconnus n'ont aucun problème pour avoir une conversation au pub ou ailleurs. Il a du mal avec ça aussi, et pourtant il est français, a passé toute son enfance en France et est le prototype parfait du blondinet passe-partout qui ne doit pas être beaucoup discriminé pour son apparence.

Finalement nous nous sommes trouvés à l'intersection des boulevards Ordener, Ornano et Barbès, et nos chemins se sont séparés. Et là je me suis dit que ça faisait du bien de rencontrer des gens normaux, des gens qui vous réconcilient avec la vie. J'aime bien ces petites rencontres, ces bouts de vie partagés avec des inconnus, et je me rends compte aussi que bien souvent ces inconnus sont des étrangers, des gens qui ne vivent pas à Paris. Je vais finir par penser que c'est le parisien moyen qui m'insupporte.

Sida 2.0

Ca fait un petit bout de temps déjà que j'ai lu ce bouquin écrit à quatre mains sous-titré "Regards croisés sur 30 ans d'une pandémie" et que je me dis qu'il faut que je vous en parle. Mais bon, le temps passe, le temps passe, et il y a aussi le fait qu'on ne sait jamais par quel bout commencer. D'une façon trés résumée, je pourais simplement vous dire lisez-le, il retrace notre histoire collective, vous devez avoir connaissance de ce qui est écrit dedans, c'est de l'histoire contemporaine.

En même temps je me rends compte combien cette remarque peut être personnelle, combien c'est peut-être plus une histoire qui trouve une résonance en moi qu'une histoire vraiment collective. Cependant...

Le sida est apparu au début des années 1980. J'étais adolescent, et j'entendais tout et n'importe quoi sur cette nouvelle maladie. Je fais partie de cette génération dont les premières relations sexuelles ont été faites avec un préservatif, parce qu'à l'époque il était impossible qu'il en soit autrement. Je me rends bien compte combien ce n'était pas le cas pour les générations d'avant la mienne, et combien ce n'est plus le cas pour les générations actuelles.

Dans cet écrit sous forme chronologique, Didier Lestrade et Gilles Pialoux nous donnent année après année leur regard sur l'évolution de la maladie dans notre société, chacun sous l'angle qui lui est proche, l'un avec sa vision de militant dans la communauté homosexuelle, l'autre avec sa vision de chercheur. Année après année, j'ai revécu sous leurs écrits un passé qui était le mien, un passé qui m'a construit et que j'ai pu replacer dans une expérience plus collective. Je me suis remémoré beaucoup de choses, mes premiers contacts avec le virus, mes premières gay pride, mes premières marches avec Act Up, et plein de choses encore.

En fait j'ai vraiment apprécié de lire ces entretiens, j'ai apprécié de découvrir que ce savoir soit disponible par écrit pour ceux qui n'ont pas connu cette période, et curieusement j'ai aussi compris pourquoi j'avais toujours été proche d'Act Up sans aller jusqu'à y adhérer et pourquoi je pense que cette adhésion est de moins en moins possible aujourd'hui. Didier Lestrade a aussi écrit un bouquin sur Act Up, et je me dis qu'il faudrait vraiment que je le lise, parce que ca aussi ça fait partie de mon histoire.

Il y a le témoignage historique, mais il y a aussi le présent, le sida est toujours parmi nous, et le futur, des perspectives sur la façon dont notre société pourait évoluer avec cette maladie, la façon de l'appréhender, de la soigner, de l'éradiquer ou de la contenir. Il y a des réflexions intéressantes, et des réflexions qu'il vous faudra faire. Que veut-on comme société, que voulez-vous comme société, quel doit être le rapport entre le pouvoir pharmaceutique, les états et les populations? Ce livre est un témoignage sur le temps passé, mais aussi un merveilleux outil de réflexion et de projection dans les temps à venir. C'est une lecture studieuse, le genre de lecture qu'on devrait vous imposer dans votre cursus de connaissance générale. Alors éduquez-vous les gens, lisez!!

Une famille respectable

Vous savez que je fais partie de ces amateurs de cinéma qui aiment découvrir un cinéma qui vient d'au-delà de nos frontières, qui ne se limite que très rarement au cinéma français. Souvent on découvre de très beaux films, on se dit qu'un film étranger qui a réussi à parvenir jusqu'à nos écrans ne peut être qu'un film réussi.

J'avais très envie de voir ce film iranien quand j'en ai entrevu la bande annonce. Je me suis régulièrement demandé ce que je faisais dans cette salle pendant que le film passait. Je n'ai pas aimé du tout la construction du film, cette façon de nous mettre en aveugle dans un film où on ne comprend pas grand chose, où il faut attendre les dernières minutes pour mieux appréhender ce qu'on vient de voir.

On voit cet universitaire qui revient au pays pour y donner des cours en réponse à une invitation, on le voit dans son quotidien avec ses élèves et sa mère, on constate l'omni-surveillance du régime politique, on comprend au fur et à mesure le background familial et pourquoi il est parti.

Et on finit aussi par comprendre la manipulation, par comprendre que cette famille respectable n'a pas grand chose de respectable, que l'universitaire est simplement tombé dans un guet-appens ayant pout but une spoliation d'héritage. C'est un film mafieux qui baigne dans une atmosphère froide de pression religieuse et politique et qui se termine sans se terminer. J'en suis ressorti très déçu.

Gogo Boys

J'étais dans un bar ce soir quand j'ai remarqué un phénomène étrange. Presque de façon instantanée les conversations se sont transformées en murmures quand elles ne se sont pas tout bonnement arrêtées. Il y avait des gogo boys qui se trémoussaient en slip sur les podiums! J'ai vu des gens dont le regard était scotché, béat, c'est tout juste si la bave ne coulait pas des lèvres.

Je parlais avec mon ami, et je voyais bien qu'il était ailleurs, qu'il n'était plus dans notre conversation. En fait les gens dans la salle qui n'étaient pas fascinés par l'apparition des gogo boys se comptaient sur les doigts de la main. Ca m'a fait peur, ça m'a inquiété. Parce que je ne comprends pas cette fascination, parce que je ne suis pas fasciné. Vous n'avez jamais vu un homme se trémousser en maillot de bain? Vous faites comment à la plage ou à la piscine?

Je me suis rendu compte aussi que certaines personnes n'étaient venues que pour voir les gogo boys, et je me suis demandé à quoi pouvait ressembler leur vie. Sont-ils tant sevrés d'images qu'ils en sont à se retrouver en état de manque?

Peut-être est-ce moi qui ne suis pas normal, mais voir un homme en slip ne m'émoustille pas plus que ça. Ce n'est pas un belle plastique qui m'émeut, mais plus une aura, une ambiance, une attitude. Des gens très moches m'émeuvent bien souvent plus que des beautés froides. Les gogo boys pour moi font simplement partie du décor, comme les vases ou les rideaux. Votre conversation s'arrête t-elle quand chez vos amis votre regard tombe sur un superbe cendrier ou un très beau tableau?

Et puis, on peut apprécier quelque chose du regard et continuer à bavarder en même temps, non?

D'une façon réductrice un peu simplette j'ai l'impression que c'est la même chose que l'effet télévision. Avez-vous remarqué qu'il suffit de mettre un téléviseur dans une pièce pour que tous les gens le regardent et se taisent? Parfois dans certains endroits j'ai juste envie de demander à ce qu'on éteigne la télé ou l'écran, mais je me rends compte que beaucoup de gens ont besoin de ces flots d'images qu'ils regardent aussi passivement que des vaches regarderaient passer les trains.

Eteignez les écrans dans notre société, et au bout d'une semaine vous aurez une émeute. Mais les gens ne se battront pas pour une meilleure vie, non, ils voudront juste qu'on continue à les abreuver de leur flot de merde cathodique.

J'ai parfois vu de la peur dans les pupilles de certaines personnes venues chez moi quand elles ont remarqué qu'il n'y avait pas de téléviseur.

Paravent

Quand je suis rentré de mon jogging j'ai ouvert la porte et l'ai laissée ouverte le temps de faire mes étirements sur le palier. En général Lolita en profite pour venir vérifier que les plantes vertes poussent bien et que personne n'est venu piétiner son pré-carré. Mais là la dame devait avoir un accès de paresse, cet animal passe aussi énormément de temps à dormir, elle ne s'est pas montrée.

Les étirements faits, je suis rentré, j'ai fermé la porte, enlevé mes baskets qui sont parties rejoindre les autres dans le placard à chaussures, et c'est là que j'ai entendu un bruit étrange: un miaulement. Plutôt que de passer directement à l'étape douche j'ai donc passé la tête dans la salle. Le chat n'était pas dans sa niche (oui, mon chat dort dans une niche avec des petits chiens imprimés dessus).

Les bruits venaient de derrière la porte de la chambre où une Lolita furieuse d'être enfermée exprimait son mécontentement. J'ai ouvert la porte et fait sortir l'animal, un peu surpris tout de même. En général quand je ferme la porte de la chambre je vérifie justement qu'elle n'y est pas car c'est justement pour ne pas retrouver mon dessus de lit couvert de poils que je ferme la chambre. Je ne me souviens pas en un an de l'avoir jamais enfermée.

Plus tard dans l'après-midi j'ai été faire quelques courses. Idem en rentrant Lolita râlait derrière la porte de la chambre pour sortir, sachant très bien qu'elle n'était pas supposée être là. Deux fois dans la journée, je me suis dit, non, ce n'est pas possible. Elle a forcément trouvé un moyen de rentrer dans la chambre mais elle n'arrive pas à sortir par le même moyen. C'est impossible que ce soit moi qui l'ait enfermée deux fois de suite dans la même journée.

Le soir en me couchant je lui ai tendu un piège. Je me suis couché et j'ai fermé la porte de la chambre, la laissant à l'extérieur. Sauf que la nuit c'est justement le seul moment où elle peut dormir sur le lit, elle a un coussin pour ça. Et il est très très rare qu'elle ne dorme pas avec moi. J'ai misé sur son entêtement.

Je me suis endormi, et j'ai été réveillé par un bruit de pot à stylo qui tombe sur le bureau. J'ai allumé les lumières et surpris la bête en plein forfait, sur mon bureau et se préparant à sauter sur le meuble qui sépare la chambre et le bureau. C'était donc par là qu'elle passait!

Je comprends très bien qu'elle puisse passer par ce chemin dans un sens et pas dans l'autre et qu'elle fasse ensuite mine de se retrouver prisonnière. Ce qui m'étonne un peu plus c'est que je ne l'ai jamais vue en ma présence sur le bureau. Mais bon, je ne l'ai jamais vue sur la table de la salle non plus, et pourtant j'ai déjà retrouvé des poils qui la trahissaient (c'est un tellement beau poste d'observation cette table devant la fenêtre!).

Maintenant il y a un paravent supplémentaire entre le bureau et la chambre...

En finir

En lisant cette note j'ai rêvé. Partir un jour sans prévenir, n'en avons-nous pas tous rêvé? Moi j'y pense tous les jours en ce moment. Je cherche l'issue, le moyen de changer ma vie, de changer de vie, peut-être même de ne plus vivre.

Si je devais mettre fin à mes jours, je sais maintenant comment faire, je sais quelle option sera la mienne. C'est juste une question d'organisation. A moins que ça n'advienne sur un coup de tête, sans raison, sans prévenir. Mais il y a aussi l'option de partir, de disparaître pour renaître ailleurs.

C'est peu de choses que de dire que mon boulot ne m'épanouit pas. Il faudrait que j'en change, que je trouve le courage et la force de le faire, en acceptant l'idée de perdre mon pouvoir d'achat, de ne peut-être pas retrouver de travail aussitôt. Il faudrait.

Je crois que ce choix va finir par s'imposer à moi, parce que je me demande de plus en plus si je vais y retourner à ce boulot qui me tue à petit feu. Cette semaine j'y ai été une demi-journée, et j'ai posé les RTT qu'il me restait pour finir la semaine. Mais le nombre de mes RTT disponibles n'est pas infini. Aller voir mon médecin à nouveau pour un arrêt de travail? Je ne sais pas, je ne sais plus. L'idée un peu folle de ne simplement plus y retourner me hante.

En attendant la vie continue, on travaille pour payer des impôts, un loyer, se nourrir, et on oublie parfois de vivre, que la vie pourait aussi être autre chose. Tout est une question de choix, vivre ou survivre en est un. Alors?

Il y a forcément une autre façon de faire, une autre façon de vivre.

Je vais bien, ne vous inquiétez pas, je me pose juste des questions. Vous n'avez jamais eu envie de tout lâcher et partir?

Miss Knife

Il y a un deux semaines, j'ai été voir Miss Knife, personnage incarné par Olivier Py en tour de chant, à l'Athénée, un petit théâtre du côté de l'opéra Garnier. J'ai bien aimé. Parce que j'aime bien l'univers de ce personnage, parce que le CD "Les ballades de Miss Knife" fait partie des disques que j'écoute régulièrement et avec toujours autant de plaisir depuis des années.

Pourtant au début j'ai été un peu désarçonné. Il a commencé à chanter, et c'était des chansons que je ne connaissais pas. A t-il sorti un autre album? C'était un récital de chansons jamais entendues, à l'exception de trois qui étaient dans l'album que je possède, dont ma préférée "le tango du suicide".

Cependant l'univers restait le même, l'univers d'un homme aux histoires d'amours fugitives et malheureuses, l'univers d'un homme qui vieillit et qui ne s'aime pas, un univers teinté d'amertume et de névroses. Mais j'aime bien le côté ironique et cynique des textes de ses chansons, même si parfois je les trouve un peu trop aigries pour moi.

Je crois que la différence fondamentale entre Miss Knife et moi, c'est que moi je m'aime, j'ai fait la paix avec mon corps, j'accepte de le voir vieillir, et j'y trouve même une certaine sérénité. L'âge me rend zen et m'aide à relativiser. Après tout, nous ne faisons tous que passer dans ce monde, memento mori.

Miss Knife ne s'aime pas, semble apprécier de n'être utilisé qu'en objet, et chante de très belles chansons sur ses étreintes fugitives dans les pissotières des gares et ses rencontres qui s'achèvent au lever du jour.

Miss Knife aime les hommes avec du poil et même les gorilles. Est-ce pour cela qu'il garde ses poils? Son personnage n'est pas féminin, a du poil sous les bras et sur les jambes. On se demande même pourquoi le personnage existe, tant le chanteur semble si pressé d'enlever ses oripeaux. La perruque, le maquillage, les bijoux, tout disparait assez vite. En fait on a juste l'impression que c'est un artifice pour vaincre le tract et monter sur scène, mais qu'après ça ennuie et que la créature se sent beaucoup mieux en petite culotte avec des talons (un complexe de taille peut-être?).

Evidemment le personnage n'est pas plus sympathique que ça, et ça va bien avec les amours éphèmères et le côté kleenex, mais j'ai tout de même passé un très agréable moment à regarder cette créature se débattre et se vautrer dans son univers sans soleil, sans issue, no future. Le petit jeune à mes côtés aussi, et ça m'a beaucoup surpris. Comment à vingt ans peut-on apprécier toute cette morbidité et cette aigreur de fin de vie? Les jeunes d'aujourd'hui me sont décidément incompréhensibles...