C'était un dimanche soir dans un restaurant indien nantais quasiment désert (les restaurants sont souvent vides le dimanche soir). Un couple d'anglais, des amis qui s'étaient retrouvés par hasard dans la ville, parlaient très forts, il m'était impossible de ne pas entendre très clairement leur conversation.
A un moment le post-ado mal dégrossi a dit, avec toute la docte assurance qu'il devait penser avoir acquis par son bagage universitaire: "les russes n'aspirent pas à la démocratie, parce que c'est quelque chose qu'ils n'ont jamais connue. Ils ont besoin d'un dirigeant fort, d'une personnalité à craindre et respecter".
J'ai failli éclater de rire tellement c'était idiot. c'est comme si on m'avait dit "les esclaves n'aspirent pas à la liberté parce qu'ils ne l'ont jamais connue et qu'ils ont besoin d'un maître à craindre et respecter". C'était juste totalement absurde.
On venait d'enterrer Thatcher en grande pompe, et je me suis dit qu'entendre de tels commentaires sur le désir de démocratie dans la bouche d'un homme qui vit encore sous un régime monarchique et qui vient d'enterrer une femme connue pour son intransigeance, ses opinions pro-apartheid, ses amitiés avec les dictateurs, son mépris et son exploitation forcenée des classes populaires, sa guerre pour un petit bout de terre à l'autre bout du monde, un homme qui appartient à ce genre de peuple devrait s'abstenir de commentaires sur ce qu'est la démocratie.
A une époque j'avais un sorte d'admiration pour ces étudiants qui font le tour du monde sans le sou dans une sorte de périple initiatique pour découvrir ce qu'est la vie, ce qu'est le monde. Je n'avais aucune admiration pour les deux specimen qui étaient avec moi dans ce restaurant ce soir là.
Il était clair qu'ils ne faisaient pas ce voyage pour le plaisir ou pour apprendre quelque chose, mais simplement pour la possibilité de le monétiser à leur retour sur le mode "je connais, j'y étais, je sais tout". Je trouvais cet arrivisme répugnant.
A un moment ils ont eu un apparté sur la bière et le vin, et il était évident que s'ils aspiraient à boire du vin ce n'était pas par goût mais par aspiration à sortir de leur classe sociale pour en afficher une plus élevée que la leur (et je vous passe la dérive sur le whisky).
D'une manière générale, je n'aime pas les gens qui parlent fort, j'assimile ça à une faute de goût. Le besoin de paraitre n'est pas une chose qui m'est familière, je préfère les gens qui sont ce qu'ils sont. Je n'ai jamais eu de fascination pour cette mode bling-bling qui a parcouru notre pays au quinquennat précédent, pour ces ces parvenus qui vous jettent leurs billets à la figure et étalent leurs monnaies sonnantes et trébuchantes. Je trouve ça vulgaire.
Ces deux là avaient juste la certitude que leur civilisation était la meilleure, et qu'être anglais suffisait à les rendre supérieurs. Quand ils visitent le monde, ils n'essaient pas de découvrir les usages locaux, ils se déplacent avec les leur et les imposent aux autres, parce que tout ce qu'ils voient est forcément inférieur à ce qu'ils connaissent. Quelque part je les ai trouvés un peu pitoyables.
A la fin du repas, le serveur est venu leur demander s'ils voulaient un déssert. L'homme a répondu non d'un air dégoûté, comme si on l'avait insulté. Je crois que si j'avais été le serveur j'aurai eu une réaction. Le serveur n'en a eu aucune, il doit avoir l'habitude des petits cons. La vérité, c'est que le branleur était près de ses sous et ne pouvait simplement pas se permettre le déssert. Une autre vérité, ce serait qu'une éducation ça ne s'achète pas, quand on est con c'est pour la vie...