Chocolat ou café?

Ses Salines

Sur cette photo un pont de bois mène à une plage qui a changé ma vie, la plage de Ses Salines, sur l'île d'Ibiza. Cet ici que je suis tombé amoureux de l'île. Pourtant ce n'était pas gagné d'avance.

C'était au début du mois de septembre 2010. Je n'étais pas en pleine forme morale à l'époque. L'idée de nager jusqu'à me noyer dans une eau déserte me traversait parfois l'esprit, la possibilité de ne jamais revenir aussi. Marie-Charlotte (mon chat d'alors) était morte l'année d'avant, j'avais eu une hernie discale pour mes quarante ans, je sortais d'une longue période à bouffer des anti-dépresseurs, et j'avais pris la décision de ne plus adresser la parole à ma famille.

Et puis je suis arrivé sur ce pont de bois, et j'ai vu la plage. Il y avait du soleil, c'était magnifique. L'eau était transparente, on voyait des petits poissons qui vous piquaient parfois les pieds, le soleil caressait, on bronzait en écoutant le grésillement des cigales et en respirant le parfum des pins. C'est ici que j'ai repris goût à la vie.

Ca ne m'était jamais arrivé de tomber amoureux d'un endroit. Cette île m'apaise et me repose, me détend et m'exalte. Je me sens bien là-bas. Du coup j'y suis retourné en 2011. Puis en 2012. Et je projette déjà mon séjour en 2013.

Ca vous est déjà arrivé de tomber amoureux d'un endroit, d'un lieu qui vous corresponde au point de devoir y retourner pour vous ressourcer? Ibiza pour moi, c'est ça: c'est l'endroit où je me ressource, l'endroit où je redeviens moi. Je crois qu'un jour j'essaierai d'y acheter une petite maison, un petit chez moi, pour y aller plus souvent, plus longtemps. Pour ma retraite peut-être?

Une petite salade?

Je me souviens très bien de la dernière fois que j'ai mangé de la viande, parce que ça faisait quelques temps que je n'en avais pas mangé et que je n'en avais pas envie.

C'était samedi de la semaine dernière. J'avais rejoint une bande d'amis pour aller dîner, il faisait un froid polaire, et nous n'avions pas envie de discuter pendant une demi-heure dehors pour savoir où nous allions dîner. Grosso modo nous sommes entrés dans le restaurant le plus proche.

La lecture de la carte m'a rempli d'effroi. Impossible de manger un truc sans viande, à moins de prendre une assiette de frites et de salade verte. Pas de légumes, pas d'assiette de fromage, pas de pizza, bref la cata.

J'ai fait remarquer deux trois fois qu'on n'avait pas le choix, qu'ici il fallait manger de la bidoche, mais personne n'a réagit. Finalement j'ai mangé du bout des lèvres un peu de magret de canard que je n'ai pas aimé.

Et surtout je m'en suis voulu. Pas vraiment d'avoir mangé de la viande, mais de l'avoir fait juste pour faire comme tout le monde. C'est un peu comme si on m'avait imposé quelque chose, et je ne comprends pas ce qui peut justifier que je l'accepte.

Ce n'est pourtant pas exceptionnel de nos jours les gens qui refusent de manger de la viande. Alors pourquoi doit-on encore se justifier quand on ne veut pas en manger et doit-on encore passer pour un chieur quand on refuse de le faire?

Au début je n'avais pas de forte conviction sur la question. J'ai juste un jour découvert qu'un pays comme l'Ethiopie était un gros producteur de céréales, céréales qui servaient à nourrir le bétail européen alors que dans le pays les gens meurent de faim. Ca m'a choqué. Je fais partie d'une génération qui a été choqué pendant son adolescence par les famines dans cette région de l'afrique. C'est ce jour là que j'ai décidé de manger moins de viande.

Puis je me suis intéressé un peu plus à la question, j'ai de fortes convictions écologiques, et je me suis rendu compte que l'élevage industriel n'était pas une solution durable, qu'il est impossible de subvenir aux besoins de toute la terre si tout le monde veut manger de la viande.

Mais tout le monde me disait "il faut manger des protéines" et j'avais du mal à me défaire de cette croyance. Je me rends compte maintenant que c'est complètement bidon. Il y a plein de végétariens complets qui vivent très bien en étant en pleine possession de leurs possibilités physiques, y compris chez les sportifs de haut niveau.

De toute façon nous mangeons trop, nous le savons, et ça inclut aussi nos besoins en protéines. Des milliers de gens vivent quotidiennement sans manger de viande, et ils ne s'en portent pas plus mal, bien au contraire.

En ce moment je découvre le monde industriel de la fabrication de ce qu'on mange. Je savais déjà que les animaux étaient élevés dans des conditions peu glorieuses, je ne pensais pas que c'était au point où ça l'est. Plus ça va, plus la vision d'un tranche de viande ou d'un pilon de poulet me dégoûte. Si les gens savaient vraiment ce qu'ils mangent et comment c'est arrivé dans leur assiette, je suis certain qu'ils réfléchiraient à deux fois avant de manger ce qu'on leur propose. 

Premiers émois

J'ai toujours su que j'étais attiré par les garçons, même si je n'ai pas toujours su ce que ça voulait dire.

Cette nuit pendant l'une de mes insomnies du moment, alors que je tournais dans mon lit, mon esprit a divagué sur ma petite enfance, la période où j'avais six sept ans. Je n'ai aucune nostalgie pour ce temps passé, je n'ai aucune nostalgie de l'enfance. J'étais un enfant qui a eu toujours l'impression qu'il n'était pas à la bonne place, qu'il n'était pas né dans la bonne famille.

Toute ma vie j'ai essayé de partir de chez moi. Alors que je marchais à peine, je m'échappais déjà pour aller avec les bonnes du voisinage. Quand j'avais cinq ans je faisais le mur pour aller jouer dans la rue. Ma première raquette de tennis a été un superbe prétexte pour être toujours ailleurs qu'à la maison. Puis ce fut le vélo, un truc extraordinaire pour vadrouiller tranquillement en liberté. J'ai toujours eu besoin de liberté, d'espace. La maison c'était l'enfermement.

Aujourd'hui encore, alors que la maison c'est la mienne, j'ai tout de même besoin d'extérieur, d'être dehors. Je ne supporte pas d'être enfermé.

Evidemment ce désir de toujours m'échapper n'était pas au goût de mes parents, le jardin était fermé à clef. J'étais donc un enfant séquestré, j'étais supposé jouer dans le jardin avec mon frère et ma soeur. A vrai dire j'aimais encore mieux embêter le chien ou le chat, et je me réfugiais dans la lecture ou je jouais seul aux Lego.

J'ai lu très tôt, c'était un moyen d'évasion extraordinaire. Quand d'autres voulaient des pistolets pour jouer aux cowboys, moi je quémandais des livres. Il y a eu Oui Oui et son ami le nain Potiron, puis le Club des cinq et le Clan des septs, et il y a eu la BD. J'étais abonné à Pif Gadget et Picsou Magazine.

Un jour dans Pif Gadget il y a eu un poster grandeur nature de Rahan. C'est mon souvenir le plus lointain d'un émoi érotique.

D'ailleurs je constate que même maintenant, une quarantaine d'années plus tard, c'est le genre d'homme qui ne me laisserait pas indifférent. Je suis très attiré par les gens qui ont de beaux cheveux (ou une belle barbe, ou un poil vigoureux).

Est-il possible que nos goûts soient déjà déterminés pour le reste de notre vie à un si jeune âge?

Notre riz quotidien

Tous les gens qui ont été au Sénégal savent que le plat national c'est le riz au poisson. D'une façon générale, le sénégalais mange du riz pratiquement tous les jours, c'est devenu un aliment de base. Au point que le pays est obligé d'importer massivement du riz de Thaïlande pour subvenir aux besoins de sa population.

Pourtant historiquement le riz n'est pas une plante qui pousse au Sénégal, et c'est un peu hallucinant que sa consommation soit devenue si nécessaire au sénégalais moyen. Le riz est une culture qui a été imposée par la colonisation française à cette époque où le colonisateur utilisait les terres conquises pour subvenir à ses propres besoins plutôt que de penser aux habitudes des terres colonisées.

D'ailleurs n'importe qui peut facilement se rendre compte que le climat sénégalais n'est pas tout à fait le même que celui des pays d'asie d'où nous vient la culture du riz. Il n'y a pas de moisson ni de grands lacs d'eau stagnante. C'est un pays assez sec, et le riz ne pousse que dans les zones artificiellement irriguées autour des fleuves et dans la partie sud du pays, un peu plus humide. C'est une plante qui a besoin de soleil, mais aussi de beaucoup d'eau.

Mais bon, l'héritage colonial est tel qu'aujourd'hui encore le gouvernement local garde comme objectif de parvenir à l'auto-suffisance en riz plutôt que d'essayer de relancer la culture de plantes historiquement plus adaptées. Les gens de la génération de mon père mangeait de la semoule de mil avec du lait de chèvre caillé quand ils étaient petits. Ce n'est pas si loin que ça.

Quand je pense qu'une culture qui n'existait pas il y a une centaine d'années soit devenue aussi symbolique de la nourriture d'un pays, je trouve ça sidérant. Mais bon, quand on pense à la France on pense assez vite à la baguette, et je ne suis pas certain que ça existait non plus il y a une centaine d'années.

Rétro (5)

J'ai pris mon premier abonnement téléphonique en 2004. Parce que pour avoir internet il fallait avoir un abonnement téléphonique et que je ne voyais pas trop à quoi pouvait servir un ordinateur sans avoir internet. Et ne pas avoir d'ordinateur dans le background familial technique dans lequel j'avais baigné n'était juste pas imaginable.

J'ai donc acheté mon premier ordinateur en 2004. Et peu après avoir ouvert ma ligne téléphonique, ce blog est né (en novembre 2004), parce qu'avoir à ma disposition un tel outil de propagande sans l'utiliser était impensable.

Je ne me suis jamais servi de ma ligne téléphonique fixe pour le téléphone. J'avais un portable sur lequel j'étais joignable en permanence et c'était suffisant. D'ailleurs je n'ai jamais réussi à mémoriser mon numéro de téléphone fixe.

Il y a bien un téléphone fixe chez moi, mais il ne sonne pas. Au début les gens pouvaient m'appeler dessus, pour ceux qui disaient que d'appeler sur un portable était plus cher. Mais depuis que les prix ont considérablement baissé, j'ai dit que je n'étais joignable que sur mon portable, que je le valais bien.

Il ne restait plus que les inopportuns à m'appeler sur ma ligne fixe. Et puis un jour j'en ai eu marre qu'on me propose de changer mes fenêtres ou de répondre à des questionnaires sans intérêt, j'en ai eu marre qu'une Roxane Descortes me harcèle pour que je vote pour elle, j'ai coupé la sonnerie.

Rétro (4)

J'ai pris mon tout premier abonnement téléphonique portable le 14 février 2000. Certains, complètement ré-éduqués par les événements commerciaux qui tentent de régir notre société, auront remarqué que le 14 février c'est la Saint-Valentin. C'est exact. C'est même pour ça que je me souviens si bien de la date.

La veille, la personne avec qui je vivais depuis des années m'avait annoncé qu'elle avait rencontré quelqu'un d'autre et qu'elle souhaitait être honnête avec moi en cette veille de fête des amoureux qu'elle n'avait pas l'intention de passer avec moi. D'ailleurs si je voulais bien déménager le plus rapidement possible ce serait encore mieux, parce que monsieur voulait vivre avec sa nouvelle conquête.

Le lendemain, ce 14 février donc, je prenais mon premier abonnement portable, avec un appareil qui ne servait qu'à passer des appels téléphoniques et ne prenait pas de photos et ne se connectait pas sur facebook. C'était le début d'une nouvelle tranche de ma vie.

Le 1er mars j'avais déménagé, une vie était à reconstruire.

Rétro (3)

Je n'ai jamais eu de répondeur téléphonique. Parce que je n'ai jamais vraiment eu de téléphone fixe.

Quand j'étais étudiant je n'avais pas le téléphone. Je n'habitais pas chez moi, j'étais en location, et l'installation du téléphone dans ma chambre d'étudiant n'était pas une option.

Je me souviens d'amis qui avaient le téléphone (généralement des filles dont les parents voulaient avoir des nouvelles), et le répondeur était un truc qui ne me semblait pas très fiable. C'était une machine à part, un boîtier en plus. C'était un lecteur de cassettes comme ceux sur lesquels on écoutait de la musique quand on était ado, avec une loupiote qui clignotait quand on avait un message.

Quand on rentrait chez soi, on regardait de loin si la lumière ne clignotait pas, et si oui on se ruait sur l'appareil pour écoutait la bande. Parfois la bande de la cassette n'était pas assez longue et le message était coupé. Il fallait effacer régulièrement ses messages pour toujours avoir de la place pour recevoir de nouveaux messages.

Il arrivait que le message ne soit pas audible, la qualité des communications téléphoniques était loin de celle à laquelle nous sommes aujourd'hui habitués. Et parfois la bande s'usait, tout simplement.

Puis un jour le boîtier a disparu, la messagerie était intégrée dans le téléphone. On arrivait toujours à perdre des messages très facilement, mais il n'y avait plus ce problème de bande magnétique qui s'usait. Comble du modernisme, on pouvait même consulter son répondeur d'une cabine téléphonique.

Rétro (2)

Après mon bac scientifique passé à Chantilly, je me suis inscrit à la fac à Amiens. Je louais une chambre chez l'habitant. Même si pratiquement toutes les maisons avaient le téléphone en cette fin des années 80, je n'avais pas le téléphone dans ma chambre sous les toits.

D'ailleurs pratiquement personne ne l'avait dans mes copains de fac. On se donnait rendez-vous, on connaissait le numéro de la cabine téléphonique en bas de chez soi, et on sortait pour téléphoner ou recevoir un coup de fil. A l'époque il n'était pas rare de voir des gens attendre à côté d'une cabine téléphonique. Parfois aussi le téléphone sonnait dans la cabine alors qu'il n'y avait personne à côté.

En ce temps là on collectionnait les cartes téléphoniques. Je me demande si ça existe encore...

C'était l'époque de mes premières amours, et je me rappelle encore de ces moments passés à côté de la cabine téléphonique à attendre que le téléphone sonne, du désastre quand il ne sonnait pas, de l'angoisse quand quelqu'un entrait dans la cabine pour téléphoner alors qu'on attendait un appel.

Ca semble tellement loin tout ça aujourd'hui.

Rétro (1)

Il y a toujours eu un téléphone à la maison. Quand j'étais petit, ce n'était pas si commun, ça n'existait pas partout. Il y en avait un à la maison, mais c'était pour le travail. Personne ne s'en servait sauf mon père, et éventuellement ma mère quand mon père n'était pas présent. C'était un gros objet noir lourd comme de la pierre avec un cadran rond avec des chiffres et une roue qu'on faisait tourner.

Puis un jour mes grand-parents ont eu le téléphone. C'était quelques années après, j'étais suffisamment grand pour pouvoir m'en souvenir. Grand-père était assez récalcitrant, mais il se faisait vieux et on lui avait fait valoir que c'était important au cas où il faudrait appeler le médecin en urgence. Et puis ça lui premettrait aussi d'avoir des nouvelles de ces enfants, et notamment de sa fille à Dakar. Plus besoin d'aller chez la voisine ou de prendre le vélo pour aller à la poste du village. Et ça arrangeait bien ma grand-mère de ne plus devoir aller chez la voisine pour donner un coup de fil.

Entretemps le téléphone avait évolué, ce n'était plus un gros objet noir et lourd, il était plus léger et gris. Maintenant de Dakar ma mère pouvait parler à ses parents dans leur village de la région nantaise. Il y avait aussi un écouteur, ce qui permettait une conversation à quatre personnes. Mais on n'appelait pas pour se raconter sa journée, c'était un rendez-vous au mieux hebdomadaire, ça coûtait cher le téléphone à l'époque.

Le téléphone ne sonnait quasiment que pour des raisons professionnelles, quand mon père devait se rendre en urgence à l'aéroport, ou quand il téléphonait pour prévenir ma mère qu'il rentrerait très tard à cause d'un problème technique sur un avion. Il ne nous serait jamais venu à l'idée, nous les enfants, de décrocher le téléphone quand il sonnait.

Je me souviens aussi que parfois mes parents devaient s'y prendre à plusieurs fois pour avoir la communication. Parfois ça coupait. Parfois le son était très mauvais. Ou il y avait plein d'écho. Toutes ces choses sont à peine imaginables aujourd'hui.

Racisme, homophobie, individualisme

A la simple lecture de ce titre et des trois mots qu'il contient, certains auront déjà décidé de ne pas lire cette note. Je le sais, j'en suis conscient, et si je voulais faire un blog populaire il y a des sujets que je n'aborderais pas. Sauf que je n'ai jamais cherché à être populaire (ça se saurait), juste à être moi. J'ai envers moi-même une obligation de rigueur qui m'est chère, j'aime regarder dans le miroir de mon âme sans regrets calculateurs.

Les gens qui auraient décidé de ne pas lire cette note, parce que le sujet ne les intéresse pas, ne m'intéressent pas non plus à vrai dire. Je les range dans la catégorie des individualistes, et je fais tout mon possible au quotidien pour ne pas en être. Il est important pour moi au quotidien de me rendre compte que je ne suis qu'un maillon dans une immense chaine, et que je n'ai ni plus ni moins d'importance que ce petit maillon.

2012 aura été une année que je ne suis pas prêt d'oublier. Racisme, homophobie et individualisme sont les trois mots qui ont marqué cette sombre année. Si on m'avait dit un jour que j'en viendrais à faire une grève de la faim pour faire reconnaître mes droits j'aurais éclaté de rire tellement c'était improbable. Pourtant c'est arrivé en 2012. Si on m'avait dit un jour que je voterais (du bout des doigts il est vrai) pour un président qui invoque la liberté des conscience pour légitimer des pratiques homophobes j'aurais crié No way! Pourtant c'est arrivé en 2012.

Aussi je suis content d'être en 2013. Parce que j'en sens qu'en 2013 je vais avoir la fraise pêche et que tout ira mieux, parce qu'enfin les choses vont avancer et se faire. Mon objectif principal en 2012 était de changer de boulot; c'est fait et la promotion est en cours. A moi maintenant de me trouver de nouveaux challenges.

Et même si 2012 n'aura pas été un bon souvenir, elle m'a permis cependant de voir sur qui je pouvais compter dans l'adversité, elle m'a permis d'avoir des soutiens inattendus de gens qui ne me connaissaient même pas, elle a occasionné de belles rencontres et de beaux moments. Même dans les jours les plus gris il y a parfois des rayons de soleil. Merci à tous ces rayons de soleil, en 2013 nous chasserons la grisaille!

Bonne année à vous qui passez par là, tous mes voeux de bonheur!

Jogging & tramway

Le tramway remonte maintenant dans le nord jusqu'à la porte de la Chapelle. Généralement il est accompagné sur son trajet d'un aménagement des abords et de la création d'espaces piétonniers. Je me suis dit que ce serait chouette pour mon jogging, ça m'éviterait en allant au parc de la Villette de passer par la rue Riquet où il y a toujours beaucoup de passage, à moi les nouveaux parcours moins encombrés.

Je suis donc parti par la porte des Poissonniers en pensant longer le tram jusqu'à la Villette. Sauf que non. A un moment un brillant ingénieur a eu l'idée de faire passer le tram sous terre pour lui faire faire une épingle à cheveux dans le 19e arrondissement avant de revenir sur le boulevard. Arrivé à la porte d'Aubervilliers, au lieu de continuer tout droit pour aller à la station suivante qui est à cent mètres, le tram bifurque sous terre dans l'arrondissement pour aller à une station intermédiaire qui s'appelle Rosa Parks. Je n'ose même pas imaginer le coût de cette épingle superflue. Il était tellement important que ça de jeter l'argent du contribuable par les fenêtres?

Et puis, Rosa Parks. Pourquoi avoir été chercher le nom d'une étrangère pour cette station de tram? Il n'y avait pas d'équivalent français? En même temps, l'apartheid existe toujours en France, dans le métro parisien les noirs et les blancs s'assoient rarement côte à côte, et pas plus tard que cette semaine la banque Natixis a été condamnée à Paris pour avoir empêcher la promotion de l'un de ses cadres du seul fait de sa couleur de peau (pour un cas qui va en justice, combien qui ne sont jamais traités?).

Le cri du jour

Un jour sur un écran de télé j'ai aperçu le visage de Mireille Dumas et je n'ai pu m'empêcher d'avoir un mouvement d'horreur en constatant qu'elle était passée par la case chirurgie esthétique pour s'effacer les rides autour de l'oeil, ce qui faisait qu'elle ne ressemblait plus à grand chose d'autre qu'une chouette effraie. C'était pourtant une belle femme avant, non?

J'ai pensé que ce n'était pas en nous mettant ce genre de choses non naturelles sous nos yeux de bovins placides et passifs qu'il faudrait s'étonner qu'ensuite nos chères petites têtes blondes rêvent de chirurgie esthétique dès l'âge de leur première poupée Barbie. Personne ne leur dit combien c'est moche?

On devrait mettre des bandeaux préventifs au bas des écrans de télé pour prévenir que "la chirurgie esthétique ça rend laid". Au moins sur les émissions du service public.

Une autre fois, je traversais la rue à un feu rouge. Sans faire exprès j'ai vu le visage d'une femme dans une mini cooper. J'ai failli faire un bond en arrière tellement j'ai été choqué. Elle aussi avait eu recours à la chirurgie esthétique et arborait ce sourire éternel qui remonte sur les côtés, mi-panthère mi-docteur fou. Je crois qu'elle a vu mon dégoût. Elles ne se rendent pas compte que ce n'est pas beau?

Même Catherine Deneuve, cette femme qui a fait sa carrière sur son physique assez consensuel, a eu besoin, à l'âge où l'on devient une grand-mère respectable, de faire quelques retouches à son visage. Mais pourquoi, pourquoi tant de haine envers soi?

On ne vous l'a pas suffisamment dit: la chirurgie esthétique c'est laid. Pensez aux lèvres d'Emmanuelle Béart qui n'arrive même plus à parler normalement et qui donne sans cesse l'impression qu'elle vient de se faire piquer par une guêpe tant ses lèvres semblent gonflées à l'hélium.

Au cinéma l'autre jour, une pub Dior en noir et blanc passait sur les écrans, montrant une femme au visage agréable, mais dont on devinait un peu trop les os sous sa robe moulante et dont les bras cagneux ne comportaient aucune trace de chair sur les os. J'adore? Non, pas vraiment.

La maigreur c'est laid, et en faire un canon de beauté je trouve ça malsain. Il me semblait que des décisions et de nouvelles règles avaient été adoptées pour lutter contre les problèmes grandissants d'anorexie. Manifestement je me suis trompé, on nous montre encore des squelettes en tenue de soirée sur les écrans.

Ce n'est pas parce qu'on vit dans une période de relatif bien-être et que peu de gens connaissent la famine qu'il faut faire semblant d'oublier que la maigreur ça peut être mortel. Mon cri du jour: un peu de gras c'est toujours agréable, un peu de muscle aussi, et vive les rides d'expression!! Comme en toute chose, il faut savoir éviter les excès.

Et dire que maintenant même les hommes se font botoxer les rides et implanter des poitrines fermes. Au secours!

Retour de manif

Cet après-midi j'ai battu le pavé, j'ai marché de Bastille au jardin du Luxembourg avec des centaines et des centaines et des centaines d'autres personnes. Il y avait du monde, même si on ne saura jamais exactement combien. Le chiffre le plus bas est de 60 000 personnes, et c'est déjà beaucoup. J'ai vu une marée humaine de gens qui voulaient juste que tout le monde puisse bénéficier des mêmes droits. Ca m'a fait plaisir, ça m'a fait extrêmement plaisir.

Après toutes ces semaines à subir quotidiennement des torrents de haine gratuite et d'homophobie assumée, ça fait du bien de lire que la haine n'est pas le langage de la famille. Je n'ai aucune intention de me marier, je n'adopterai probablement jamais d'enfant (quoique?), je ne bénéficierai vraisemblablement pas non plus d'une procréation médicalement assistée, mais je refuse que ces choses me soient interdites du seul fait de ma sexualité. L'égalité pour moi est une chose naturelle, une chose à laquelle il faut tendre dans tous les domaines.

J'ai très mal vécu tous ces débats sur l'ouverture des droits. Intellectuellement je ne peux même pas comprendre qu'on puisse débattre d'un droit à l'égalité, ça devrait aller de soi. Pour moi la simple idée de débattre pour obtenir les mêmes droits que tout le monde est la preuve que certains ne nous pensent pas tous égaux et qu'on cautionne cette possible différente façon de penser. Cautionner l'homophobie est une chose que je réprouve fortement.

Je ne sais pas si un jour une loi sera votée, mais je sais que ce gouvernement qui nous a lâché en pâture à l'homophobie sans jamais nous défendre sous prétexte de débat restera dans l'histoire comme celui qui a donné caution à l'homophobie affirmée comme une liberté de conscience, de même que le gouvernement précédent par ces débats sur l'identité nationale restera dans l'histoire comme celui qui a cristallisé les haines entre les différentes parties de la population et qui a cautionné un racisme affirmé comme liberté de conscience. Ils me répugnent autant que l'autre.

Quand on pense sérieusement qu'il y a une égalité quelque part, on la combat vivement et ardemment, on ne se contente pas de faire des débats pour obtenir une sorte de consensus malsain. A chaque élection j'ai voté socialiste par défaut de candidat pour défendre mes valeurs égalitaires, je sais dorénavant qu'à l'avenir je m'abstiendrai.

Le Parti Socialiste avait beau jeu d'appeler à cette manifestation, on aurait préféré qu'elle n'ait pas été nécessaire. On aurait préféré que cette injustice séculaire soit traitée dès le départ, sans admettre un débat.

Si un jour vient où une loi sera enfin votée pour effacer ces inégalités (mariage, adoption, procréation), je serais évidemment content. Mais je n'en ferais pas tout un foin, car il restera encore plein de combats à mener. Il suffit de voir la dificulté qu'ont certaines femmes aujourd'hui à avorter dans notre beau pays alors que c'est un droit qu'on pensait définitivement acquis pous savoir qu'il nous faudra être éternellement vigilant.

La lutte vers l'égalité est un combat de tous les instants, ne l'oublions jamais en cette période de lutte nuptiale.

1er décembre

Comme tous les ans à la même date, c'est aujourd'hui la Saint Sida. Les média vont en parler pour se donner bonne conscience, et dès demain la vie continuera son cours. On continuera à diminuer les allocations données aux associations qui luttent contre la maladie, on continuera à fermer des hôpitaux, on continuera à laisser la maladie se propager.

De même que pour la lutte contre la famine dont tout le monde sait qu'on pourait la gagner si on le voulait vraiment, la lutte contre la propagation du sida n'est une priorité pour aucun état. On préfère s'assurer de l'équilibre de son système financier et s'assurer que les actionnaires et les capitalistes continueront à engranger des sous sur le dos de ceux qui travaillent vraiment. Les vies humaines au regard des enjeux financiers n'ont que peu d'importance.

C'est devenu tellement peu une priorité que les publicités pour l'utilisation du préservatif se sont considérablement réduites. Aujourd'hui l'action est mise sur le dépistage. Contaminez-vous, contaminez-vous, et plus vite vous serez sous traitement, plus vite on gagnera des sous sur votre santé. Telle est la réalité d'aujourd'hui.

Dans la période d'homophobie largement acceptée si ce n'est causée par l'état qui nous gouverne actuellement, on aurait pu penser qu'il y aurait un peu plus de monde que d'habitude à cette manifestation du 1er décembre. Mais non. J'ai même l'impression qu'il y en avait même moins que les années précédentes. Le froid peut-être? Le froid n'a jamais empêché quelqu'un de révolté de crier sa révolte.

A l'heure de la manifestation d'Act Up, beaucoup faisaient leur shopping, ou préparaient leur dîner, ou se demandaient ce qu'ils allaient faire de leur soirée. Si l'un des slogans de la manif était " Sida, on meurt, sortez d'l'happy hour!", ce n'était pas un hasard. La manif passait dans le Marais et les pédés habituels buvaient tranquillement leur bière en nous regardant passer. Les dindes s'en foutent, tant qu'elles ne se font pas plumer, le monde peut bien s'écrouler.

Dans un monde vraiment militant, on pourait rêver que les établissements gays ferment leur vitrine en solidarité pendant le temps de la manif. Dans un monde vraiment militant il y a longtemps que l'égalité serait obtenue pour bien des choses. Mais le pédé moyen est aussi peu concerné par la façon dont il est accepté dans la société que l'hétéro moyen est concerné par la politique et l'action des gens qui le gouvernent.

Alors que le pédé moyen ne s'étonne pas après s'il reste et demeure un citoyen de seconde zone!

Black is back

Il y a un peu plus d'un an, quand j'ai annoncé au boulot pour des raisons protestataires que je ne porterais plus que du noir pour aller travailler, personne n'a vraiment réagi. Mais je me suis effectivement mis à ne plus porter que du noir, alors que j'adore les couleurs et que je porte la plupart du temps des bleus ou des verts dans ma vie privée.

Les gens ont fini par remarquer que je ne portais plus que du noir, certains sachant ce que ça voulait dire, d'autres s'en contre-foutant (après tout, il y a beaucoup de gens qui ne portent que du noir, et ça n'a pas forcément une signification). Pour moi c'est devenu une habitude, et à la longue je n'y pensais même plus. Le matin quand je m'habille j'ouvre l'armoire noire, je ne regarde même pas ailleurs. Quand je rentre le soir, j'enlève mes habits de travail et je passe à autre chose, je passe d'un univers à l'autre.

Par contre il y a quelques personnes qui savent pourquoi je porte ces vêtements de deuil et qui ne s'y habituent pas, m'ayant connu plus bigarré. Parfois on me demande quand est-ce que je vais me remettre à porter autre chose que du noir, et je sens que ces gens là ont de la peine pour moi. Je ne sais que répondre. Ce port du noir n'a plus tout à fait le même sens pour moi, il n'a plus le sens contestataire mortifère initial. Il est devenu une habitude, une simplicité, une neutralité.

Je pense que c'est un peu dans la continuité des changements que j'ai opérés dans ma vie ces dernières années, une constituante de ce que j'appelle ma "mid-life crisis". J'ai de plus en plus envie de simplicité, de frugalité. Après quelques années un peu trop excessives, je m'apprécie de plus en plus dans des couleurs plus tranquilles, plus paisibles. Je m'aime bien en noir. J'aime l'idée de ne pas avoir à choisir entre trente-six chemises pour savoir laquelle mettre. Quelque part, c'est aussi une sorte de quiétude externalisée.

Aujourd'hui quand je porte du noir ça ne veut pas dire forcément que j'ai les idées noires. Aujourd'hui quand je change des pièces de ma garde-robe, presque systèmatiquement je prends du noir. J'ai accepté l'idée d'être invisible, de ne plus paraître par mes vêtements, je n'ai plus besoin d'être remarqué. J'ai accepté d'être simplement ce que je suis, c'est peut-être l'âge qui veut ça, et la quiétude de l'anonymat me convient.

J'aime le classicisme et la sobriété du noir. En même temps c'est une couleur franche, ce n'est pas un compromis gris ou marron ou beige. Ca me correspond assez, je suis quelqu'un de sobre, de classique, mais d'une franchise à toute épreuve.

Et puis, c'est l'hiver. Peut-être qu'à la belle saison des couleurs plus claires feront leur retour dans mes armoires?

(en attendant, pour rassurer les gens qui s'inquiètent, j'essaie de penser au moins une fois tous les quinze jours à porter autre chose que du noir. Aujourd'hui j'ai porté un vieux col roulé vert kaki)

Rêves réalistes

On s'est tous posé au moins une fois la question de savoir ce qu'on ferait si du jour au lendemain on héritait de plein d'argent ou gagnait à la loterie. La plupart des gens répondent qu'ils quitteraient leur emploi, achèteraient une grande maison, feraient le tour du monde, et laisseraient leur argent fructifier en banque.

Curieusement l'idée de faire le tour du monde ou de vivre dans une grande maison ne m'intéresse pas plus que ça. J'ai des rêves beaucoup plus simples, beaucoup plus réalisables. Idéalement je voudrais juste avoir une petite maison au milieu de la nature, à Ibiza ou en bretagne, quelque part où la mer est accessible à pied ou à vélo. Je rêve juste de pouvoir me baigner dans la mer tous les jours, de pouvoir faire du vélo dans la campagne tous les jours, de pouvoir marcher dans les bois ou les pinèdes tous les jours, de pouvoir écrire et lire tranquillement, peindre et bricoler.

Le luxe suprême, ce serait juste d'être indépendant, totalement, de pouvoir même vivre en autarcie si je le veux. Produire ma propre électricité, cultiver mon potager, ne rien devoir à personne. Ca ne veut pas dire non plus que je rêve d'être seul, fermé au monde. Non, juste être indépendant. Par contre rester connecté aux autres me semble toujours important, et je suis trop peu "mouton docile" pour ne pas avoir l'envie de m'impliquer dans une cause ou un combat, une façon ou une autre de défendre l'opprimé.

Si j'étais deux, je rêverais de partir ensemble, de gérer une exploitation agricole (bio évidemment), mais sans la contrainte de la rentabilité. J'aime la terre, j'aime le contact de la nature, et j'ai le goût de l'effort. J'envie beaucoup ces couples qui se forment et qui ont le courage de partir ensemble pour fonder un projet commun. La peur du lendemain me rend couard, avoir un matelas financier serait une liberté pour oser.

Et si vraiment j'avais plein plein d'argent? Non, je ne demanderais pas une banque de l'investir pour moi. Je ne veux pas d'actions en bourse, je suis contre ce système fondé sur l'usure et l'exploitation de l'autre. Il serait à la banque, parce qu'il faut bien le mettre quelque part, mais j'aimerais créer une sorte de fondation qui permettrait de financer des micro-crédits sans taux d'intérêt aux gens qui auraient des projets de vie bien réels.

Et puis je voudrais aussi lutter pour ma communauté. Je voudrais créer des endroits pour loger et éduquer ces jeunes que leurs parents jettent à la rue quand ils découvrent leur non-hétéro sexualité. Je voudrais créer des maisons de retraite pour gay et lesbiennes, ces vieux que la société ignorent complètement. Et j'aimerais aussi créer des liens entre ces deux générations, les vieux et les jeunes, parce que ça me semble important le vivre-ensemble et la transmission de toutes ces luttes que nous avons du mener et que nous continuerons à mener.

Voilà ce à quoi j'ai pensé en sortant du film "Les invisibles" de Sébastien Lifshitz alors que je remontais la rue Hauteville pour rentrer chez moi. C'est le genre de projets qui revient régulièrement à moi, ce que je voudrais faire de ma vie si j'en avais les moyens.

Et vous, ça vous arrive de rêver à un autre vie?

Nouveau départ, ressourcerie, géode

Ca fait donc un peu plus d'une semaine que j'ai signé un avenant à mon contrat et fait une mobilité interne. C'est un renouveau, un nouveau départ. Je vais changer d'activité, travailler avec d'autres personnes, rencontrer de nouveaux défis, avoir de nouveaux centres d'intérêt.

Et surtout je vais travailler avec de nouveaux collègues. Evidemment il y a des gens que j'ai rencontrés dans mon emploi précédent qui garderont je l'espère une place à part dans ma vie, et j'espère qu'une moindre proximité ne sera pas un obstacle insurmontable pour que nos relations demeurent, mais c'est palpitant le changement, car ça permet de rencontrer de nouvelles personnes, d'être amené à croisé de nouvelles têtes qu'on ne faisait qu'apercevoir à la pause café ou au restaurant d'entreprise.

Quand j'ai rencontré ma voisine de nouveau bureau, la première chose qu'elle m'a demandée c'est si elle ne m'avait pas déjà vu en train de faire du vélib dans le 18e. Bingo, c'est bien moi! Du coup c'est intéressant, parce que je découvre quelqu'un qui connait mon quartier. Pour les petites adresses sympa ça peut être très pratique.

Je suis toujours à la peine quand des gens viennent chez moi et proposent ensuite d'aller dîner dans le quartier, parce que je ne connais pas mon quartier. Généralement quand je sors je sors aussi de mon quartier. Maintenant je saurais où aller.

Hormis le fait qu'elle se déplace aussi à vélib, j'ai découvert que nous avions d'autres point commun, et notamment la musique classique. Vous saviez qu'on retransmettait des opéras à la Géode vous? Moi pas. Maintenant je le sais. C'est bien de rencontrer de nouvelles têtes!

Elle m'a aussi parlé de la Ressourcerie. Je ne sais pas si vous vous en souvenez, mais il y a grosso modo un an, quand j'ai fait ma mid-life crisis, je me suis lancé dans une entreprise d'épuration de mon intérieur. J'ai trouvé que c'était un peu trop surchargé chez moi, qu'il y avait trop de choses qui s'accumulaient. J'ai réduit la gamme chromatique de mon intérieur, j'ai simplifé, nettoyé, trié, rangé. Et après c'était posé le problème de que faire de tous ces objets pas vraiment utiles que je ne souhaitais plus garder. Je ne savais pas qu'en faire.

Je ne savais tellement pas qu'en faire qu'ils m'encombrent toujours en attendant que je trouve une solution pour leur deuxième vie. Et c'est là que la Ressourcerie va changer ma vie. La Ressourcerie, c'est dans mon quartier, pas besoin d'aller au bout du monde, et c'est un atelier de récupération et de collecte d'objets inutilisés ou abîmés pour les reconvertir et les revendre ou les éliminer proprement avec un but de réinsertion sociale pour les gens qui y travaillent. Je vais enfin pouvoir me débarrasser des choses qui m'encombrent avec l'impression de ne pas simplement polluer les trottoirs et de contribuer à une action positive. Elle est pas belle la vie?

Cliquer sur ce lien, et surtout regardez la vidéo qui s'y trouve, elle est très bien faite. Vous y trouverez aussi les adresses de 4 ressourceries (dans les 10e, 11e, 13e et 18e arrondissements)

 

Entre vivants et morts

Quand je pars me promener, je ne sais pas forcément où je vais, je me contente d'aller où mes pas me mènent. Je vais au hasard, découvrant de nouveaux endroits, m'imprégnant de l'influence du temps qui passe, du poids des saisons dans la ville. Je regarde les façades, les fantaisies architecturales, les passages inconnus. Paris est une perpétuelle découverte.

Par exemple ce dimanche j'ai traversé pour la première fois le jardin Villemin. Je suis passé des milliers de fois devant en longeant le canal Saint-Martin, j'ai admiré de loin son immense kiosque, mais je n'étais jamais rentré dedans.

J'ai aussi découvert une partie du cimetière du Père Lachaise jusqu'à alors inconnue: le crématorium et le columbarium qui l'entoure. A vrai dire, je n'avais aucune existence de cet endroit, arrivant généralement dans le cimetière par le bas et prenant rarement le temps d'en faire le tour.

Ce dimanche je suis monté, et je me suis dit en passant devant Molière que ce devait être sympa d'avoir une tombe avec une vue aussi dégagée sur Paris. Il faisait beau, la vue était claire, le génie de la Bastille luisait au loin dans l'axe du Panthéon.

J'ai continué l'ascension, je suis arrivé sur un carré de verdure entouré de bancs où les gens prenaient le soleil en bouquinant. Puis j'ai continué vers ces cheminées qui indiquaient la présence probable d'un four, et je suis arrivé sur cet édifice de facture classique et d'une certaine beauté.

J'ai découvert toutes les urnes entassées sur les pourtours des bâtiments qui forment un carré autour du crématorium, je me suis dit que ça pouvait être sympa aussi d'être dans une de ces boîtes qui donnent sur un jardin à la française avec des allures de cloître. Quitte à être entreposé quelque part, autant prendre le moins de place possible et être quand même dans un endroit sympa.

Puis j'ai vu des escaliers qui descendaient vers une crique. Je suis descendu, et là, horreur des horreurs, j'ai vu des innombrables allées de boîtes empilées les unes sur les autres sur plusieurs niveaux. Et là je me suis dit: tout sauf ça! Je suis ressorti aussitôt.

Je ne sais pas ce qu'il adviendra de moi après ma mort, mais si possible j'aimerais être brulé et prendre le moins de place possible ensuite. Et si vraiment il n'est pas possible d'éparpiller mes cendres dans la nature, au moins que mon urne ne soit pas plongée dans l'obscurité pour la nuit des temps, laissez moi continuer à goûter les saisons qui passent.

Moutons de seconde zone

Suite à la manifestation des intégristes religieux catholiques du 18 novembre dernier et à la violence dont avaient été victimes les représentantes du groupe Femen, j'avais écrit combien j'en étais à me demander si le gouvernement actuel ne se foutait pas complètement des citoyens que nous sommes nous les homos. J'avais parié qu'aucun membre de ce gouvernement ne condamnerait dans la presse ces actes odieux, hormis la porte-parole qui ferait l'habituel service minimum. C'est exactement ce qui s'est passé.

Dans la foulée nous avons eu droit à un président qui s'est prononcé sur une "liberté de conscience" des maires qui pouraient accepter de nous marier ou non suivant leur bon vouloir. Eh oui, nous vivons en France dans un pays démocratique où la loi n'est pas la même pour tout le monde et où un maire peut choisir de te marier ou pas selon sa "liberté de conscience".

Bien sûr, constatant les hurlements de la meute de tous ces citoyens de seconde zone que nous sommes, notre président adepte du tango (un pas en avant, deux pas en arrière?) a prétendu qu'il s'était mal exprimé, que ce n'était pas ce qu'il avait voulu dire, que les mots "liberté de conscience" ne faisaient pas partie de sa pensée, que ces termes ne seraient pas transcris dans le texte de loi. Par contre un maire poura toujours déléguer à ses adjoints, ce qui se fait déjà. Curieusement ça a suffit à calmer la meute des citoyens de seconde zone. Pourtant c'est blanc bonnet et bonnet blanc.

Alors?

Alors je me dis parfois que si l'homophobie est aussi présente dans notre société, c'est peut-être non seulement parce qu'elle n'est pas condamnée, mais aussi parce que les gens qui la subissent l'acceptent. Il va falloir attendre encore longtemps avant que tous ces citoyens de seconde zone que nous sommes se révoltent et exigent une réelle égalité? Les militants des années 60 et 70 me semblent avoir été autrement plus actifs...

Devenir invisible

J'ai donc géré le site internet du club parce que personne ne voulait le faire et qu'il était à l'abandon depuis deux ou trois ans. La première année tout c'est bien passé, tout le monde était content qu'il y ait un site.

Comme tous les ans, le CA s'est renouvelé en fin d'année. Je suis reparti pour un an. Il y avait de la jeunesse aux dents longues dans ce nouveau CA. Rapidement il a été trouvé que notre logo n'était plus assez bien, qu'il nous faudrait quelque chose de plus actuel, de plus mode, de plus dynamique, blablabla. Why not?

Et puis un jour j'ai appris, en réunion mensuelle de CA, qu'un nouveau logo avait été conçu. J'étais un peu chagrin de l'apprendre comme ça, ayant plus ou moins espéré, vu mon implication dans la vie technique et graphique du club et mes compétences artistiques, qu'on me demanderait mon avis, voir même qu'on me demanderait de le concevoir. Mais non, c'est quelqu'un qui n'appartenait pas au club qui l'a conçu, et je n'ai jamais su quel avait été le cahier des charges.

Ravalant ma fierté, j'ai demandé à ce qu'on me l'envoie, que je puisse le mettre en ligne sur le site. Et une Cécile m'a répondu que ce ne serait pas la peine, parce qu'il avait aussi été décidé de changer de site internet, et c'était pris en charge, un nouveau site était en cours de création.

Je crois que c'est à cet instant que j'ai décidé de ne plus m'investir dans la vie du club, je ne me suis pas représenté au CA à la fin de l'année. Le nouveau logo je l'ai découvert quand la nouvelle ligne de t-shirts du club a été proposée à l'achat des coureurs.

Ensuite il y a eu plein de petites choses désagréables, plein de petits trucs qui m'ont atteint, pour finir par une histoire étalée sur la place publique et pour laquelle je n'ai reçu aucun soutien. Ce jour j'ai fini par comprendre beaucoup de choses, j'ai définitivement quitté le club.

Je n'ai pas fait de bruit, je n'ai pas crié sur les toits, j'ai juste arrêté de venir aux entraînements. J'ai bien été obligé de constater que, après avoir couru avec tous ces gens pendant plusieurs années, pas un n'a pris de mes nouvelles en ne me voyant plus aux entraînements. Je me suis dit que j'avais pris la bonne décision.

Et puis un jour je me suis rendu compte que, sur environ 200 personnes, il n'y avait pas un seul noir ou arabe dans ce club. Certains étaient venus, ils n'étaient jamais resté très longtemps. J'ai mieux compris rétrospectivement beaucoup de choses.

Finalement cette expérience a été très formatrice, elle m'a appris à ouvrir les yeux sur des choses que je ne voyais pas ou ne voulais pas voir avant. Elle m'a aussi appris à ne pas m'inquiéter quand je suis en face d'un coureur qui fait semblant de ne pas me voir alors que je suis en face de lui, certaines personnes ne voient que les gens qu'elles ont envie de voir. Maintenant je sais que je peux être invisible, et ça ne me tourmente plus.